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Louis Vins

Les femmes cuisinières sont trop rares à Paris. En voici une, Mélanie Serre, très jolie brune que Joël Robuchon avait placée comme cheffe à L’Atelier Étoile au Drugstore Publicis. Et son talent au piano lui avait permis de maintenir l’étoile, pas seulement grâce à la gelée de caviar à la crème de chou-fleur, à la divine purée et à la pavlova aux framboises: en fait sa prestation brillante, créative, allait faire surgir la seconde étoile en 2019 (joli menu au déjeuner à 49 euros).

On attendait les débuts de Mélanie, formée au Métropole de Monaco sous la houlette de Christophe Cussac, deux étoiles. Le grand mérite de la cheffe chez elle aux côtés de son ami d’enfance Bertrand Guillou-Valentin, c’est de présenter une carte courte d’une douzaine de plats de sa composition d’une étonnante finesse.

Ainsi le bar cru en tartare onctueux au coulis de cresson (12 euros), l’œuf de poule sans coque, poivrons marinés, anchois au sel et pommes de terre fumées (8 euros), le puissant pâté en croûte de veau au foie gras, à ne pas manquer (14 euros), les barbajuans de homard, bisque relevée au piment (12 euros) et la tarte fine comme une pissaladière, anchois au sel et fleur de thym (8 euros) constituent des entrées goûteuses et généreuses –pas de mini-portions, tant mieux.

Côté poissons, les coquillages en cannelloni, petites girolles et jus iodé au vermouth (23 euros), le remarquable rouget barbet et les moules de la baie du Mont-Saint-Michel, cocos de Paimpol au chorizo (19 euros), la barbue cuite meunière sur l’arête, légumes en aïoli (25 euros) titillent les papilles par le choix des garnitures et la précision des cuissons.

Trois viandes, dont la poitrine de cochon confite au miel et aux épices, carottes fondantes au cumin: trois cuissons, caramélisation, glaçage et marinade au miel. Cela relève de la haute cuisine (techniques et savoir-faire) tout comme l’entrecôte de bœuf de l’éleveur Gabriel Gauthier, maïs et ketchup de betterave (19 euros), une rareté. Et le carré d’agneau de Haute-Loire de race cochinchinoise, citron confit et jus au thym (36 euros) où l’on sent son savoir-faire et son goût pour les garnitures adaptées.

Au dessert, la figue confite, crémeux de chocolat blanc et noisettes (9 euros), la tartelette au chocolat et cacahuètes, glace à la confiture de lait (11 euros) sont au même niveau de qualité. Oui, la révélation d’une cuisinière d’avenir. Le Michelin devrait l’étoiler au début 2021, d’autant que les prix affichés sont très raisonnables.

Le Chiberta

Guy Savoy (trois étoiles), meilleur restaurateur du monde à La Monnaie de Paris quatre années de suite, a promu au rang de chef Irwin Durand, merveilleux saucier passé par L’Atelier Robuchon Saint-Germain-des-Prés. C’est là qu’il a appris les secrets de la délicate purée au beurre et le crémeux de pommes de terre au caviar et beurre fumé (42 euros).

Au Chiberta, le crémeux de pommes de terre au caviar et beurre fumé. | Alban Couturier

Ce sont deux des plats très aboutis de la carte d’automne de ce restaurant confortable, à deux pas des Champs-Élysées.

Tout est excitant, tentant, gourmand dans l’éventail des compositions actuelles de ce jeune maître rigoureux et sensible aux leçons du passé. Pas de plats rébus ou mode.

Les poireaux vinaigrette sont escortés d’un sauce moutardée (au menu du déjeuner), la sole meunière est enrichie de chlorophylle, de persil et de purée de pommes de terre (48 euros), le sandre d’un millefeuille de céleri, sauce matelote (42 euros) et le foie gras de canard poché comme un pot-au-feu (40 euros).

Les desserts sont à 20 euros: tarte au citron, chocolat sarrasin-châtaignes, pain perdu de panais vanille et l’étoile de café.

C’est l’as des suprêmes de volaille et de pigeon rôti, les cocos de Paimpol en texture, brioche d’abats (46 euros) et le filet de bœuf charolais, artichauts barigoule, ravioles de bœuf, sardines (au menu Dégustation).

À midi, le menu facturé à 49 euros est une aubaine dans ce quartier des Champs-Élysées. Menu Dégustation à 110 euros, pour les soirs de fête le superbe menu autour du caviar, six assiettes, et des fromages pour 200 euros.

Le niveau de l’étoile Michelin est atteint avec aisance et générosité. Irwin n’a pas de rival aux Champs-Élysées. Et les vins de Bourgogne blancs et rouges sont à des prix décents. À découvrir aux deux repas.

Nomicos

L’excellent chef de Lasserre a fait redécorer son restaurant élégant au cœur du XVIe arrondissement de Paris où il n’y a que peu de tables de bonne gastronomie: saveurs, légèreté et lumière. Tables bien espacées et service en partie féminin.

Le répertoire actuel comprend des plats classiques aux effluves méditerranéennes: les fleurs de courgettes farcies à la marjolaine, aux amandes et émulsion parmesan (38 euros), la daurade marinée, légumes en barigoule, pêche blanche et verveine (41 euros), le homard au miel et romarin, pommes grenailles et artichauts poivrade (68 euros), le dos de cabillaud, tomates caramélisées, safran et cébette (54 euros).

Au chapitre des viandes, la caille rôtie et laquée, jus au citron et sarriette (45 euros), le filet de bœuf, olives noires, orange, raviolis de pommes de terre (59 euros) et la côte de veau, girolles étuvées au jus truffé, légumes aux herbes (64 euros), un plat star.

Chez Nomicos, l’épaule d’agneau de lait, tian de légumes, oignons doux caramélisés. | Donald van der Putten

Côté gâteries, le croustillant sur le thème de la myrte et du café (au menu du déjeuner), le granité à l’absinthe (24 euros), le chocolat grand cru, badiane en fuseaux (24 euros).

Cet ensemble plaît car le Marseillais d’origine sait choisir ses produits de saison et les accommoder de façon logique (jus savoureux), c’est toute la patte de ce cuisinier sensible et doué.

Le meilleur de la prestation actuelle, ce sont les quatre menus en 4, 6 et 8 Odyssées: 80, 120 et 145 euros. Plus l’Archipel du Midi à 49 ou 65 euros, six assiettes au choix dont la bisque de homard en cappuccino, la pêche du jour aux haricots coco, aux aromates et chorizo ou le quasi de veau rôti et laqué, sauce aux cèpes, puis les figues au thym. À coup sûr, un des meilleurs rapport prix-plaisir de Paris. La deuxième étoile n’est pas loin, le Michelin devrait récompenser ce chef confirmé.

À l’Épi d’Or

Élodie et Jean-François Piège, très grand cuisinier, ont racheté ce bistrot tout en longueur, presqu’en face de la Bourse de Commerce transformée en musée d’art moderne par François Pinault, ouverture en janvier prochain.

Tout y est dans le décor: les banquettes, le carrelage, le bar de service, les miroirs et le semainier (formules à 26 et 37 euros).

Et des assiettes originales: les raviolis de calamars en daube (le mardi), la moussaka d’aubergine à l’agneau et menthe (le mercredi), la fricassée de volaille au vin jaune et girolles (le jeudi), la tomate farcie riz pilaf (le samedi), et la forêt noire (le mardi).

Des incontournables: le pâté en croûte (14 euros), la terrine de foie gras (18 euros), le croque-madame (15 euros, trop cher), le steak tartare frites (18 euros) et l’escalope de veau viennoise, plébiscitée (22 euros). Cet ensemble de plats canailles et gâteries rares (nougat glacé) ne peut que réjouir le gourmet d’autant que le chef Thibaut ne manque pas de métier, un excellent cuisiner.

La Rôtisserie Gallopin

À côté du restaurant éponyme aux boiseries d’acajou et vitraux, Mathieu Bucher fils du génial créateur du groupe Flo (La Coupole, La Lorraine, Le Pied de Cochon) a repris Le Café Moderne, la table d’à côté transformée en bistrot pour solides mangeurs, surtout au déjeuner.

Des entrées salivantes: la tartine de rillettes (6 euros), l’aubergine toute nue, coriandre et citron brûlé (7 euros), l’œuf mayo bio (5 euros) en prélude au quart de poulet jaune fermier escorté de pommes grenailles (17 euros) et de l’épaule d’agneau des Pyrénées pour deux ou trois (52 euros). Tout cela est mitonné avec générosité par le chef Armand Grattard à la main experte.

On termine par la mousse au chocolat comme un Snickers (6 euros), la crème brûlée à la vanille bien caramélisée (9 euros) et un bon café.

L’Atelier Robuchon Étoile

De son vivant, le grand chef multi-étoilé (1945-2018) avait recruté au poste de chef Thierry Karakachian découvert par Éric Bouchenoire, Meilleur Ouvrier de France (MOF), le bras droit du génial poitevin, auteur de 600 plats –ce fut l’Escoffier de notre temps.

C’est ce grand gaillard athlétique et fraternel qui a décroché la deuxième étoile en 2020 que le Michelin avait retirée pour d’obscures raisons (trop de couverts?)

À la carte, voici des préparations robuchoniennes très prisées:

  • Le foie gras de canard au naturel, pain de campagne toasté
  • L’œuf de poule bio à la coque sans coque sur une compotée d’aubergine
  • La daurade royale en carpaccio au citron et piment d’Espelette
  • Les spaghetti au homard, crème coralline au piment d’Espelette (le plat le plus demandé)
  • Le filet de bœuf en tournedos au poivre noir
  • La joue de veau fondante aux aromates et légumes de saison
  • Le canard de Challans en aiguillettes aux raisins verjutés, gingembre confit
  • La caille de Vendée caramélisée au foie gras et girolles
  • La fameuse gelée de caviar à la crème de chou-fleur (le chef-d’œuvre de Joël, 44 euros).

Superbe menu à midi à 49 euros, trois desserts au choix.

À L’Atelier Joël Robuchon, le canard de Challans en aiguillettes aux raisins verjutés et gingembre confit. | AtelierÉtoile

Parmi les plats nouveaux, les noix de Saint-Jacques à l’orge perlé, la sole de Noirmoutier entière «belle meunière» (78 euros), la noix d’entrecôte limousine Or Rouge aux piments (78 euros) et côté desserts délicieux, signés du maestro François Benot, meilleur pâtissier du monde pour Joël, le crémeux de chocolat bio et le sorbet cacao (24 euros), le soufflé chaud de l’Étoile aux fruits de la passion, sorbet aux dix saveurs (24 euros), le baba au rhum ambré, chantilly à l’orange sanguine (24 euros) et la crème de cheese-cake sur un sablé breton, spéculos, sorbet citron (24 euros).

À L’Atelier Joël Robuchon, les spaghettis au homard. | AtelierÉtoile

Fidèle épigone de Joël Robuchon, MOF à 29 ans, Thierry Karakachian s’attache à reproduire les spécialités du génial maestro privilégiant l’esthétique des assiettes, les cuissons justes et les assaisonnements exacts: l’art de Robuchon, c’était la quête du goût vrai –trois éléments dans l’assiette pas plus.

Repas au bar circulaire face aux cuisiniers ou dans la salle élégante, une vingtaine de couverts. Menus à 49, 69 et 89 euros.

Loiseau Rive Gauche

Devenue une gestionnaire avisée, Dominique Loiseau a su développer son groupe familial d’hôtels et restaurants initié par feu son mari Bernard, chef triple étoilé disparu tragiquement en février 2003.

À côté du confortable Relais & Châteaux de Saulieu, double étoilé grâce à l’excellent chef Patrick Bertron, elle a recruté pour Paris au Loiseau Rive Gauche, tout près de l’Assemblée nationale, un cuisinier de valeur Omar Dhiab, formé par Christian Le Squer (Le Cinq au George V) et Christophe Moret (Lasserre puis L’Abeille au Shangri-La). L’étoile s’est pointée en un an: tout est dans la transmission et l’exemple.

L’intitulé des plats actuels provoque le désir et l’appétit aussi bien dans les poissons (les coquillages rafraîchis d’un suc végétal) que les viandes (le pigeonneau aux figues, jus tajine) et le chocolat Tanéa, excellente origine à la cardamome.

 

Au restaurant Bernard Loiseau Rive Gauche, les coquillages rafraîchis d’un suc végétal. | Takemetoparisphotography

À côté du menu du déjeuner, la sole de la baie de Quiberon, rougette (salade) à la braise, condiment marin ou la canette des Dombes aux figues de Solliès, le chef à la main habile propose un superbe récital de neuf plats dont quatre préparations de poissons qui révèlent la maîtrise de son style classique et innovant. Rien que pour cette déclinaison hors normes (vingt produits), le gourmet doit réserver dans ce restaurant sobre, lumineux, fréquenté par nombre de députés au palais éduqué.

Au restaurant Bernard Loiseau Rive Gauche, la poussine de Bresse aux oignons des Cévennes. | Romain Herlin

À coup sûr, la seconde étoile brille à l’horizon. Ces jours-ci, des gibiers rares: la tourte de palombe et faisan, le lièvre à la royale. Excellents menus au déjeuner à 37 et 49 euros, l’Essentiel au déjeuner à 75 euros et au dîner à 99 euros, menu Plaisir à 128 euros au dîner et suggestions du chef, un futur grand.

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