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Un défilé de scooters, un brouhaha continu de klaxons pressés et de moteurs débridés que les livreurs laissent tourner le temps de récupérer une commande, des trottoirs saturés, une entrée de garage inaccessible où les poubelles débordent. Et puis des insultes éclatent avec des riverains exaspérés ! Bienvenue un samedi soir au 78-82, avenue Maurice-Thorez à Ivry-sur-Seine (94). La résidence de 140 logements est flambant neuve, la cour intérieure verdoyante. Le local commercial en pied d’immeuble est vide. C’est dans le parking, invisible depuis la rue, qu’une dark kitchen a pris racine.

Ces cuisines partagées par plusieurs enseignes de restauration et uniquement dévolues à la livraison ont choisi d’investir le sous-sol. « Les lieux n’ont absolument pas été pensés pour ce type d’activité ; c’est invivable pour nous comme pour les salariés », se désole Amélie Lefort, membre du conseil syndical. Malgré quelques améliorations apportées depuis l’été dernier par Cooklane, l’entreprise louant ces cuisines fantômes (des pièges à son sur les extracteurs d’air, un agent de sécurité aux heures de pointe faisant la circulation…), les habitants craignent que la situation n’empire. Car seuls sept des 26 emplacements sont aujourd’hui occupés, tandis qu’une seconde dark kitchen opère désormais à 300 mètres de là.

Des airs d’entrepôts Amazon

Consciente de cette mauvaise publicité, la plateforme de livraison Deliveroo tient à afficher ses bonnes pratiques. Sa cinquième cuisine partagée « Editions » en région parisienne* prendra pied d’ici à la fin de l’année à Ivry – une ville décidément très prisée – dans d’anciens entrepôts des quais de Seine, en arrière-cour d’un hôtel, à distance des habitations. « Plus question de prendre un bail là où l’on troublerait le voisinage », promet Laurent Chhuon-Nougarede, responsable de Deliveroo Editions France.

Les leçons de Saint-Ouen, premier site ouvert en 2018, ont été tirées : les scooters ont désormais ordre de s’arrêter à une centaine de mètres, sur des parkings « déportés ». À Bagneux (92), les 800 mètres carrés inaugurés à l’automne ne risquent pas non plus de troubler les riverains. Le site est au cœur d’un parc d’activités à proximité d’un cimetière.

Dans les murs, le moindre mètre carré est rationalisé. Chambre froide, légumerie, plonge, étagères de stockage dans les couloirs et évidemment espace de « dispatch » sont mutualisés. Les brigades de sept restos en résidence, enseignes parisiennes bien connues (Le Bouillon Pigalle, Pierre Sang, Le Camion qui Fume…) ou marques 100 % virtuelles (Gourou), occupent chacune une cellule d’une vingtaine de mètres carrés.

À l’entrée de chaque cellule, une pancarte rappelle le taux de satisfaction de la clientèle, les produits oubliés et le manque à gagner dû aux réclamations. Cela donne aux lieux des airs d’entrepôt Amazon, où l’efficacité de la moindre préparation est évaluée par la data… « Cette optimisation du temps permet une attente minime sinon nulle pour les livreurs, décrypte Nicolas Demant, chargé des opérations internes chez Editions. D’où leur préférence à opérer depuis une dark kitchen, qui leur assure en plus l’accès à plusieurs centaines de commandes par jour. »

Quid des restaurateurs ? « Les dark kitchens permettent de couvrir de nouvelles zones de chalandise [dans un rayon de 5 kilomètres autour du site de Bagneux] et de nous faire connaître auprès d’une nouvelle clientèle », témoigne Valentin Bauer, cofondateur de Tripletta, qui, outre ses trois salles parisiennes, est présent sur les quatre sites de Deliveroo, et a ouvert son propre restaurant fantôme à Vincennes.

C’est une expansion à moindres frais, sans temps perdu à prospecter

« C’est une expansion à moindres frais, sans temps perdu à prospecter, prolonge Laurent Chhuon-Nougarede. Cela permet à nos partenaires de tester de nouveaux marchés avec un engagement minimum d’un an, moins contraignant que les baux classiques. » Pas d’investissement dans des cuisines équipées, ni de loyer, ni de frais d’énergie à régler, mais une commission allant jusqu’à 35 % sur chaque repas livré, contre 25 à 30 % habituellement prélevés par la plateforme.

Des loyers moins élevés (…) Lire la suite sur Le Journal du Dimanche

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