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Moussa a posé son téléphone sur le bureau de l’avocate. Quand il ne parle pas, il tend le bras discrètement pour déverrouiller l’écran : il garde un œil sur l’heure. Il ne faudrait pas rentrer après le couvre-feu et risquer un contrôle. Car depuis son interpellation, le 27 janvier dans les cuisines du Poppies, le restaurant niçois dont le patron a décidé d’ouvrir illégalement en signe de «désobéissance civile», Moussa vit dans l’angoisse. Sa vie rangée de cuisinier a laissé place à un quotidien chamboulé : sans-papiers, il se retrouve sous le coup d’une obligation de quitter le territoire sans délai. Un simple contrôle et il risque le placement en centre de rétention. «Je ne connais pas la police. Au restaurant, c’était mon premier contrôle, affirme-t-il. Depuis je n’arrive pas à dormir, je n’arrive pas à penser à beaucoup de choses. Ma vie a basculé en une journée.»

Le parcours de Moussa ressemble à tant d’autres. Un départ de Côte-d’Ivoire à l’aube de ses 20 ans, une arrivée à Paris en 2011, en quête d’une vie meilleure et des jobs dans les arrière-cuisines. L’homme vêtu d’une chemise à carreaux sous sa veste de cuir ne s’étend pas davantage sur son passé. Tout juste apprend-on qu’il a emprunté le chemin de l’immigration illégale en 2011 et qu’il possède la double nationalité ivoirienne et sénégalaise. C’est en 2014 que Moussa débarque à Nice et décroche d’abord un emploi dans le nettoyage de jardins. Il est finalement embauché dans un restaurant en 2016. Passent ainsi dix ans sans papier ni contrôle.

Depuis septembre, le cuisinier cumule deux CDI : au Poppies à midi et dans un autre restaurant le soir. Il est déclaré et cotise. A 34 ans, Moussa maîtrise les spécialités françaises sur le bout des doigts, surtout «la daube et les gnocchis», le plat servi au Poppies le fameux jour de l’ouverture illégale. Le jour de l’interpellation.

Victime collatérale

Il raconte, avec une semaine de recul : «Le patron m’a appelé et m’a demandé si je pouvais travailler. Je suis embauché, je ne peux pas dire non. Il ne m’a pas tout expliqué : je suis venu et je ne savais pas ce qui allait se passer. Je pensais qu’on allait faire des plats à emporter. Là(…) 

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