“Fini les week-ends à Bali et les escapades à Phuket”

Actuellement hébergée chez ses parents à Brisbane, dans le nord-ouest de l’Australie, Nikki Martin attend l’arrivée du conteneur qui a traversé l’océan Indien avec le reste de ses affaires :

Nous sommes encore en transit en attendant de déménager à Melbourne. Mais au moins nous ne sommes pas enfermés dans un appartement : nous avons un jardin – et l’aide de ma mère. Le fait d’être expatriée depuis longtemps m’avez fait oublier les petites choses du quotidien : bavarder au café du coin, profiter de l’espace et de l’air frais. Je considère que j’ai beaucoup de chance.”

La pandémie affecte tous les aspects du mode de vie des expats, souligne Bloomberg et, en Asie comme ailleurs, ils sont de plus en plus nombreux à plier bagage :

Fini les week-ends à Bali et les escapades sans souci à Phuket ! Les grands-parents et les parents semblent soudain très loin et la crainte de se retrouver confinés dans un pays dont on ne parle pas forcément la langue, avec à sa tête un gouvernement plus disposé à aider ses propres citoyens que les travailleurs étrangers, est bien réelle.”

À Singapour, la montée d’un sentiment anti-étrangers

Tara, une expatriée britannique dont le Financial Times a recueilli le témoignage, s’est elle aussi sentie prise au piège à Singapour. Les règles de quarantaine très strictes appliquée par la cité-Etat, où les voyageurs doivent se confiner à leurs frais dans l’hôtel qui leur est assigné par les autorités, ont précipité sa décision de rentrer :

La possibilité de voyager facilement – l’une des raisons qui nous avait fait choisir de vivre là-bas – n’existait plus. La montée du sentiment anti-étrangers a été un autre facteur.”

La pandémie n’a fait souvent que s’ajouter aux pressions qui s’exerçaient déjà sur le mode de vie des expatriés, analyse Bloomberg. Les entreprises occidentales implantées dans les pays du Golfe comme Oman ou l’Arabie saoudite préfèrent aujourd’hui avoir recours à du personnel local. En Asie, elles ne tiennent plus à ce que leurs équipes dirigeantes soient entièrement composées d’expatriés occidentaux, notamment quand elles ont affaire aux gouvernements ou aux administrations locales.

Mais le Covid-19 a bel et bien un impact décisif si l’on en croit une enquête de la société de services immobiliers Knight Frank, qui dispose d’un solide réseau à l’international, auprès de sa clientèle. Près des deux tiers des expatriés (64 %) interrogés par Knight Frank déclarent que le confinement et les restrictions de voyage ont été déterminants dans leur décision d’acheter une maison dans leur pays d’origine, rapporte le Financial Times. Parmi eux, 29 % environ précisent que leur retour est définitif alors qu’ils sont 57 % à rechercher une maison où ils pourraient éventuellement vivre à l’avenir si la pandémie devait durer.

Un facteur décisif : le système de santé

Selon l’enquête de Knight Frank, les quatre principales motivations des expatriés qui souhaitent rentrer chez eux tiennent à des raisons familiales (ils ne veulent plus être aussi éloignés de leurs parents), à une nouvelle opportunité professionnelle, au souci de bénéficier d’un meilleur système de santé et à l’éducation de leurs enfants.

La crainte de ne pas pouvoir pleinement bénéficier du système de santé australien en tant que résidents non permanents a récemment dissuadé Sabine, une expatriée allemande de 54 ans installée depuis longtemps en France, et son mari de partir pour l’Australie :

« y a dix-huit mois, nous avions prévu de déménager en Australie avec l’une de nos trois filles, mais nous avons estimé que notre projet était trop risqué à cause de la structure de leur système de santé et des restrictions permanentes sur les voyages aériens. La deuxième vague de la pandémie nous a convaincus de rester en Europe.”

Pour ce couple d’expatriés qui vient de mettre en vente la maison d’hôtes qu’il gérait à Avignon et qui a finalement décidé de rentrer en Allemagne, c’est la qualité du système de santé allemand qui constitué le facteur décisif, explique le Financial Times.

Les écueils du retour au pays

Mais le retour “chez soi”, qu’il soit contraint ou choisi, peut être une expérience difficile. Aux multiples écueils logistiques aggravés par la crise sanitaire mondiale et aux éventuelles péripéties professionnelles s’ajoutent souvent des difficultés relationnelles et psychologiques, dont les expatriés interrogés par le Financial Times font état.

Pour la Britannique Carole Hallett Mobbs, par exemple, le retour au Royaume-Uni a été plus éprouvant que tous les déménagements qui ont rythmé sa vie d’épouse de diplomate :

Lorsque vous déménagez à l’étranger, vous êtes accueilli dans une bulle d’expatriés, par le biais de groupes sociaux ou de l’école internationale, mais lorsque vous rentrez chez vous, vous avez l’impression que personne ne veut de vous.”

Et l’ex-expatriée n’hésite pas à évoquer un véritable “choc culturel inversé” qui peut être très déstabilisant :

Lorsque vous déménagez dans un pays inconnu, vous ressentez chaque jour une poussée d’adrénaline due à de nouvelles expériences ou à des différences culturelles. Tout est nouveau et excitant. Quand vous rentrez chez vous, tout paraît trop familier. Tout à coup, il n’y a plus rien qui vous surprenne.”