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Rwanda | Etude de cas, le Covid-19 met à mal le tourisme de conférences

La pandémie est venue contrecarrer les projets du pays, qui mise sur le secteur des services comme levier de développement.

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Kigali s’était préparée pendant des mois. Des parterres de fleurs avaient été plantés, des ronds-points remis à neuf. En juin, le Rwanda devait accueillir la 26e réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth : plus de 10 000 délégués représentant 53 Etats. Selon la presse régionale, le gouvernement avait prévu d’investir 10 millions de dollars (environ 8,5 millions d’euros) dans l’embellissement de la capitale et l’amélioration de ses infrastructures en amont de l’événement.

Les hôtels s’attendaient à faire le plein. Mais à la place des diplomates, ils ont dû se résigner à accueillir des voyageurs mis en quarantaine en attendant les résultats de leurs tests PCR. A cause de la pandémie de Covid-19, la réunion du Commonwealth a été repoussée à 2021, comme quelque 70 autres événements et conférences que le Rwanda avait prévu d’organiser dans les douze derniers mois, créant un manque à gagner de 80 millions de dollars pour l’économie du pays en 2020.

Le centre de conférences de Kigali, dont le dôme évoque la forme de la hutte des anciens rois rwandais, est donc resté désespérément vide. Inauguré en 2015 au terme de travaux évalués à 300 millions de dollars, le bâtiment représente les ambitions du Rwanda, qui, depuis cinq ans, tente de se positionner comme un hub régional du tourisme de conférences.

« Le secteur du tourisme a été développé trop vite »

Petit pays enclavé d’Afrique centrale, le Rwanda mise sur le secteur des services comme levier de développement. Depuis 2017, selon les chiffres du gouvernement, Kigali a accueilli des centaines d’événements et le secteur aurait contribué à l’économie du pays à hauteur de 276 millions de dollars. En 2019, la capitale rwandaise s’est même hissée à la seconde place du classement 2019 des meilleures villes du continent africain pour l’organisation de conférences, selon l’International Congress and Convention Association.

Si Kigali tente depuis quelques années de booster son industrie en incitant à la production locale, le déficit commercial dépasse toujours le milliard de dollars. Et selon la Banque mondiale, c’est bien le secteur des services, aujourd’hui le plus touché par les conséquences de la pandémie, qui a le plus participé à la croissance ces dernières années, loin devant les exportations de café et de thé, historiquement pourvoyeuses des plus importantes entrées de devises étrangères dans le pays.

« Le Rwanda, plus que tout autre pays africain, a voulu passer directement à une économie de services. Mais c’est un secteur extrêmement tributaire de facteurs extérieurs et le gouvernement devra donc probablement repenser sa stratégie », estime Pritish Behuria, chercheur à l’université de Manchester. Malgré des succès en termes d’image et d’attractivité, les retombées sur l’économie réelle étaient difficiles à estimer même avant le début de la pandémie, selon le spécialiste : « Le secteur du tourisme a été développé trop vite pour être véritablement lié au reste de l’économie et il y a un manque de travailleurs qualifiés. Même si de nouveaux hôtels font régulièrement leur apparition à Kigali, la plupart d’entre eux ne tiennent pas plus de trois ans. »

« J’ai dû me reconvertir dans le nettoyage des voitures »

Alors qu’en 2019 le pays faisait partie du top 5 mondial en termes de croissance économique, le Fonds monétaire international (FMI) révise aujourd’hui ses prévisions à la baisse. « En juin, nous avions estimé que la croissance prévue à 8 % pour l’année 2020 tomberait finalement à 2 %. Nous sommes en train de revoir nos estimations et il semble qu’elles seront encore inférieures », explique Samba Mbaye, représentant du FMI au Rwanda. De son côté, l’agence de notation Moody’s a annoncé le 13 octobre abaisser la perspective économique du pays, qui passe de « stable » à « négative », notant que « la pandémie liée au coronavirus remet en question la stratégie de développement du Rwanda, en grande partie financée par de la dette et focalisée sur l’augmentation des échanges commerciaux et la promotion du tourisme de conférences ».

Le Bureau des conférences rwandais, lui, mise sur une reprise rapide de l’industrie touristique. « Nous avons opté pour le report et non pour l’annulation des événements prévus. Les retombées économiques attendues cette année seront donc engrangées l’année prochaine », assure Nelly Mukazayire, sa présidente. En attendant, l’accent est mis sur les conférences locales ou virtuelles, tandis que le gouvernement a lancé un fonds de relance destiné à venir en aide aux entreprises les plus touchées par la crise.

Mais pour beaucoup de petits entrepreneurs qui avaient investi en vue des grandes conférences prévues cette année, le passage est difficile. « J’ai dû me reconvertir dans le nettoyage de voitures », témoigne Jean-Marie Fizi, directeur d’une petite agence touristique. Ce père de famille avait investi près de 60 000 euros pour importer un nouveau véhicule destiné à transporter des délégués venus pour la réunion du Commonwealth et désirant visiter le pays. Il a dû changer d’activité en urgence pour pouvoir rembourser le prêt qu’il avait contracté. « Je m’étais dit que c’était le moment d’investir. Mais maintenant la voiture est au parking depuis des mois. Toutes mes réservations ont été annulées et je dois tout rembourser, donc c’est très compliqué. »

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