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« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage », dit le proverbe. Le groupe LVMH (propriétaire des « Echos ») en aura fait preuve avec la Samaritaine. Le grand magasin planté au bord de la Seine, à l’entrée du Pont-Neuf, à Paris, et fondé en 1870 par Ernest Cognacq et sa femme Marie-Louise Jaÿ, rouvre ses portes mercredi 23 juin, après quinze années de fermeture, un an de retard à cause du Covid, et 750 millions d’investissement (plus 230 millions de prix d’acquisition) sur le site classé.

L’inauguration a été célébrée lundi matin par Bernard Arnault, en présence d’ Emmanuel Macron et de la maire de Paris Anne Hidalgo. Le président de la République a salué «un formidable trésor patrimonial (et) un art de vivre français». Le PDG de LVMH a déclaré : «Cet événement marque la fin de période tragique de cette crise qui a frappé le monde et notre pays». Il a souligné que «seul un groupe familial pouvait se lancer dans un tel investissement sans retour pendant 15 ans».

Paris et son commerce redécouvriront un joyau architectural – un tiers Art déco, un tiers Art nouveau et un tiers architecture contemporaine – rénové à l’identique pour les parties anciennes, dans les règles de l’art, et un point d’attraction supplémentaire pour les consommateurs français et, surtout étrangers. L’hôtel Cheval Blanc qui occupe l’immeuble art déco d’Henri Sauvage côté Seine ouvrira, lui, en septembre.

Marathon judiciaire

Quand, en 2005, les rideaux sont baissés pour une rénovation de fond en comble que les normes de sécurité ont rendu nécessaire, personne n’imagine que la lumière ne se rallumera qu’après des lustres. Le géant du luxe avait racheté en 2000 le cinquième grand nom parisien des « department stores » avec les Galeries Lafayette, le BHV, le Printemps et le Bon Marché (lui aussi propriété de LVMH). La première phase d’exploitation n’aura duré que cinq ans.

« De 2005 à 2010, cela a été le temps de la gestation du projet. De 2010 à 2015, nous avons connu plusieurs années de bataille judiciaire et de recours, jusqu’au Conseil d’Etat, après l’annulation de deux permis de construire. Ensuite, la construction a démarré », rappelle la présidente Europe et Moyen-Orient de DFS, Eléonore de Boysson. C’est à sa filiale en charge des duty free, qui a innové en 2016 avec le Fondaco dei Tedeschi à Venise, que le groupe de luxe a confié l’exploitation du grand magasin. Instaurant ainsi une forme de concurrence interne avec le Bon Marché.

Le projet a pourtant été géré à l’origine par Philippe de Beauvoir, alors patron du Bon Marché. En 2010, Jean-Jacques Guiony, le directeur financier de LVMH, a pris le relais à la tête de Samaritaine SA, la société qui possède les murs. « Le moment le plus difficile a été la fermeture devenue inévitable avec un personnel [750 personnes, NDLR] très mobilisé », se souvient-il.

Sept cents marques

La nouvelle « Samaritaine Paris Pont-Neuf » s’étend sur 20.000 mètres carrés de surface de vente. L’ancienne, au slogan « on trouve tout », s’étendait, elle, sur plusieurs magasins et 100.000 mètres carrés. « En réalité, la Samaritaine a souffert de décennies de sous-investissement et seuls 30.000 mètres carrés restaient ouverts sur les 100.000 d’origine », rappelle Jean-Jacques Guiony.

Le magasin occupe désormais la partie Art nouveau de Frantz Jourdain, plus l’immeuble côté Rivoli qui a été reconstruit suivant le dessin de l’agence japonaise Sanaa. Celle-là même qui a imaginé une façade de verre ondulé dont les puristes ont dit qu’elle rompait l’unité de la rue. Le tout court essentiellement sur trois niveaux du sous-sol au premier et cinq dans l’immeuble principal.

Sept cents marques seront présentes, dont la moitié de française et beaucoup du groupe LVMH. Les Vuitton, Dior, Celine, mais aussi Chanel auront droit aux 150 mètres carrés qui sont leur norme dans les grands magasins, mais les Sandro et Maje, plus accessibles les côtoieront. L’immeuble moderne de la rue de Rivoli présentera une offre jeune et urbaine pointue, avec notamment le spécialiste des baskets Shinzo en version « green ».

Sur 3.400 mètres carrés, l’espace beauté confié au designer Hubert de Malherbe se veut le plus grand d’Europe. Deux spas seront disponibles, Dior et Cinq mondes. Le gros de la restauration se situera sous la coupole du cinquième, mais des points pour se restaurer (12 au total) s’éparpilleront dans les rayons.

Deux « concept stores » animeront le point de vente, dont La boutique de Loulou. « C’est le nouveau Colette », affirme Eléonore de Boysson en référence au magasin de luxe de la rue du Faubourg Saint-Honoré, qui attirait les fashionistas du monde entier jusqu’à sa fermeture en 2017.

Mixité

La volée d’escaliers Eiffel, peints en gris bleu, illumine le bâtiment principal comme les sols et mosaïques beiges et plusieurs puits de lumière. La Samaritaine visera autant le public parisien que les touristes étrangers. « Les touristes généreront plus de la moitié du chiffre d’affaires », prévoit la dirigeante de DFS.

Quant à la rentabilité de cet investissement colossal, le financier ne se montre pas inquiet. « Samaritaine SA percevra les loyers du magasin, de l’hôtel et des bureaux [essentiellement occupés par Guerlain, NDLR] avec un rendement classique de 3 % à 4 % similaire à celui que perçoivent les foncières sur leurs grands équipements ». Pour lui, l’hôtel sera rapidement rentable et le grand magasin prendra un peu plus de temps. « Cela fait quand même quinze ans que le site a fermé. Il faut que les clients reprennent

Une dizaine de rescapés

Lors de la fermeture de la Samaritaine en 2005, LVMH avait promis une priorité de réembauche aux 750 salariés. Quinze ans plus tard, le groupe a réussi à en recontacter plus de 300. Ils ont été 70 à se déclarer intéressés et, au final, une dizaine a été reprise par le grand magasin et l’hôtel Cheval Blanc qui le jouxte désormais.

article complet sur Les Échos

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