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« Si on a rouvert notre hôtel, c’est que l’on y croit. Mais il est clair que nous n’avons aucune visibilité sur les mesures gouvernementales qui peuvent encore nous tomber

Isabelle Bouvier

dessus », reconnaît Isabelle Bouvier, directrice des opérations au Lutetia (VIe), seul palace parisien de la rive gauche, qui a déjà été obligé de fermer son bar Joséphine, rendez-vous du tout Saint-Germain-des-Prés.

L’état d’esprit est le même à l’hôtel de Crillon, rive droite, l’un des douze autres palaces de la capitale. « Nous avons eu la stratégie de rouvrir. Nous savions que ce serait difficile. Nous représentons l’hôtellerie de luxe et Paris. Et l’objectif est de tenir. »

Dans le paysage de la capitale, le Ritz (qui n’a pas le label palace) et l’hôtel de Crillon, ont été les premiers à décider, dès le 24 août, de proposer une offre d’hébergement de luxe aux voyageurs Français, Européens… en attendant les autres. Une clientèle que La Réserve,

Romain Meiran

dirigée par Romain Meiran, seul établissement de cette catégorie à avoir fait le choix de rester ouvert pendant tout le confinement, avait pu capter. Aujourd’hui, La Réserve doit faire face à une large concurrence.

En septembre, porteur d’espoir avec le riche calendrier des événements parisiens, le Plaza Athénée, le Bristol, le Meurice et le Park Hyatt Paris-Vendôme ont relevé le flambeau dès le 1 er, puis le George V le 22, le Lutetia le 24 et le Mandarin Oriental le 27. Pour les autres, le Shangri-La, avec sa clientèle essentiellement asiatique, après avoir annoncé son ouverture en septembre, puis en octobre, l’a finalement reportée au 1er décembre. Le Péninsula, prudent, annonce l’accueil des premiers clients en janvier alors que le Royal Monceau, plus prudent encore, n’a pas fixé de date!

Les grands événements internationaux annulés, une clientèle absente

Mais depuis, la situation sanitaire en Ile-de-France s’est dégradée. Les grands événements internationaux comme la Fiac pour l’art contemporain ou Paris Photos, l’un des plus grands marchés mondiaux, ont été annulés. « La fashion week a été maintenue avec quelques défilés à capacité restreinte. Cela a été un frémissement pour nous, mais pas plus », souligne Vincent Billiard. Pour lui, comme pour toute la profession, les derniers chiffres du Covid sont jugés « anxiogènes » et n’incitent pas les riches voyageurs à s’aventurer à Paris.

« Or 90 % de la clientèle des palaces est internationale. Sans l’ouverture des frontières ou des tests rapides, toute l’activité est au ralenti », estime Stéphane Botz, conseiller chez KPMG pour les palaces. « Nous avons 20 % de taux d’occupation et on se réjouit de cette petite victoire », avoue Isabelle Bouvier pour le Lutetia habitué à en avoir 80 % à cette période de l’année. Ici, tout en préservant la qualité du service, seul 30 % des effectifs sont en place, soit 150 personnes sur les 500 habituellement.

Le Ritz, se dit « assez satisfait, avec une activité qui dépasse les espérances ». Au Meurice comme au Plaza, on tourne avec l’offre de restauration. Alors que le Crillon, oscille entre 10 et 20 % de taux d’occupation, selon les jours. Soit 12 à 25 chambres occupées sur les 121 qui se cachent derrière sa façade de la place de la Concorde.

Chacun fait alors le dos rond. Christophe Laure, président de la branche prestige de l’Union des métiers de l’industrie et de l’Hôtellerie (Umih) reconnaît que « toute la profession est inquiète ». Tout en louant les aides de l’Etat maintenues jusqu’à la fin de l’année. Avec l’espoir qu’elles soient reconduites au-delà.

Une fin d’année difficile. Un premier trimestre encore jugé compliqué. Chacun veut tenir jusqu’au second trimestre 2021… Avec un supposé vaccin et le Salon de l’aviation au Bourget.

« Tous ces hôtels ont la capacité de tenir. Ils sont détenus par des fonds souverains ou des familles fortunées »

« Il y aura peut-être de nouvelles fermetures dans les prochains mois. Mais tous ces hôtels ont la capacité de tenir. Ils sont détenus par des fonds souverains ou des familles fortunées qui ont fait des investissements patrimoniaux à cinquante ou cent ans. Ils ont profité des cycles hauts. Ils acceptent les cycles bas », souligne encore Stéphane Botz.

Lors de la crise des subprimes de 2008-2009, la situation avait été difficile pendant neuf mois. Même chose lors des attentats de 2015 à Paris. Cette fois-ci, cela risque de s’étaler sur douze à dix-huit mois. « C’est totalement inédit », souligne encore l’observateur de la profession.

« Les Parisiens ne doivent pas hésiter à entrer dans nos établissements »

Avec les dernières mesures sanitaires, les bars des grands hôtels sont fermés. Pas de bar Hemingway, lieu incontournable du Ritz, pas de verre au bar Joséphine, fleuron du Lutetia. Mais les offres destinées aux Parisiens, sans même occuper une chambre, sont nombreuses, dans ces maisons du luxe et du savoir vivre parisien.

« Les Parisiens ne doivent pas hésiter à enter dans nos établissements. Qu’ils soient décomplexés. Nous essayons de faire des prix attrayants », affirme Vincent Billiard, le jeune directeur général de l’hôtel du Crillon, place de la Concorde. Il a d’ailleurs pris l’initiative d’ouvrir un roof top cet été, sur la terrasse d’une de ses suites inoccupées. Et selon lui, le Spa fait aussi un tabac (de 50 à 600 euros en fonction de la formule).

Pour casser cette image d’un monde fermé, le Crillon avait aussi installé cet été une camionnette pour vendre des glaces (de 5 à 8 euros). Jusqu’à la fin du mois, les pâtisseries du chef François Perret sont aussi en vente au petit comptoir du Ritz (de 9 à 15 euros).

L’heure du thé ou du brunch le dimanche sont aussi de belles occasions de passer un moment de luxe, en cassant un peu sa tirelire. Partout, dans les salons cossus, le tea-time est un must de détente. Il faut compter 60 euros en moyenne pour ce moment délicat et unique avec des pâtisseries maison. Au Plaza Athénée, vous pourrez même savourer une coupe de champagne au brunch du dimanche, pour 140 euros et même 130 au Meurice. Au 228, rue de Rivoli, le Meurice propose un petit-déjeuner « Paris s’éveille » à 28 euros !

Enfin, même si les chambres ne sont pas ouvertes comme au Royal Monceau, les restaurants, source non négligeable de revenus, sont presque tous ouverts. Au George V, le restaurant 3 étoiles du V est encore fermé, mais le George, 1 étoile, sert déjeuner et dîner. Une formule à 48 euros est proposée au relais Plaza. A la Réserve, à deux pas de l’Elysées, les 80 couverts quotidiens sont pris d’assaut et affichent même complet. De quoi donner le moral aux équipes.

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