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Un séminaire par temps de Covid

Incertitude et événementiel ne font pas bon ménage. Certes, en ces temps de crise sanitaire, les lieux de séminaires proches de la capitale, avec des facilités d’accès, sont davantage favorisés que certains de leurs homologues strictement urbains. Comme dans le reste de la France, des cahiers des charges sanitaires très stricts ont été mis en place. Mais le manque de visibilité et les multiples contraintes constituent des handicaps à l’organisation d’événements. Pour tirer son épingle du jeu, mieux vaut être multi-segments et disposer de vastes espaces.

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Alors que les employeurs doivent jongler avec le port du masque obligatoire pour tous leurs salariés, un cheminement permettant de respecter la distanciation physique et le télétravail recommandé quelques jours par semaines, l’heure n’est guère à l’organisation d’événements d’entreprise ou de team building. Pour les entreprises à la recherche d’un espace pour un séminaire, un comité de direction ou d’autres réunions en petite assemblée, prime est donnée aux établissements situés hors de Paris mais facilement accessibles, et surtout disposant d’espace. “Plus c’est grand, plus c’est charmant”, dit l’adage.

Plus d’espace et de modularité pour la distanciation

“Les clients souhaitent effectivement des lieux plus proches de Paris ou plus accessibles, et pas forcément plus petits. En raison de la distanciation sociale que tout un chacun doit respecter, ils sont davantage à la recherche de lieux captifs et d’espace : le luxe est désormais dans l’espace que l’on peut offrir”, commente Jeff Macquet, directeur commercial et marketing du groupe 369° Hôtels et Maisons, propriétaire du château de Montvillargenne qui propose 21 salles de séminaires et 120 chambres sur 6 hectares près de Chantilly.

“Le luxe est désormais dans l’espace que l’on peut offrir”

Et celui-ci de préciser : “Nous constatons que des événements, grands ou plus petits (inférieurs à 50 personnes) prévus à Paris se repositionnent au château”, souligne Jeff Macquet. “Nous incitons les entreprises à organiser leurs événements à Chantilly : nous sommes situés dans l’Oise à 25 kms de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, la capacité hôtelière aux alentours est de 1 500 chambres et notre localisation offre une grande facilité d’accès”, fait valoir Morgan Languille, chargé événementiel et développement du domaine de Chantilly, qui propose quatre lieux pour les séminaires et conventions : le château, les grandes écuries, l’hippodrome, mais aussi un parc de 115 hectares avec la salle du jeu de paume et la maison de Sylvie. “Au domaine de Chantilly, l’événementiel a pu reprendre quelque peu son activité. Nous avons rouvert le château fin mai, puis le parc. Nous disposons de nombreux espaces dont certains, très vastes, que nous avons adaptés : ainsi, les 320 m2 de la salle du jeu de paume peuvent être utilisés pour des événements rassemblant 20 à 25 personnes”, commente Morgan Languille. Malgré cela, celui-ci concède que “pour le moment, l’événementiel grand public prend le pas sur le BtoB ; nous sentons une réticence de la part des entreprises, même si nous constatons un léger frémissement pour 2021 et que nous enregistrons des événements de dernière minute.”

À côté de l’espace, il est conseillé de proposer également de la modularité aux entreprises. La raison en est très simple : les clients veulent se sentir protégés et entre eux. “Nous avons la chance de bénéficier au château de Montvillargenne d’espaces conçus dès la construction du château pour être très modulables. Nous sommes en mesure de privatiser des salons et salles à manger et de diviser les plénières : cela rassure les clients qui restent entre eux chez nous”, précise Audrey Terai, directrice des ventes Mice du plus grand château hôtel de France, également dans l’Oise. Une modularité nécessaire, mais pas toujours suffisante.

“Les clients veulent se sentir protégés et entre eux”

“Le musée de l’Air et de l’Espace dispose d’extérieurs sécurisés, d’une entrée technique ; il nous est possible d’isoler certains espaces”, fait valoir de son côté Alice Charbonnier, responsable marketing et développement du public du musée de l’Air et de l’Espace du Bourget, situé à 10 minutes de Paris. Malgré ces atouts et son accessibilité, le musée du Bourget reconnaît avoir enregistré une diminution de ses activités. “Nous n’avons pas encore constaté de rebond dans notre activité événementielle BtoB”, indique Alice Charbonnier. Le digital est également devenu un must. “Avant la crise sanitaire, le digital était très marginal. Aujourd’hui, il est devenu un incontournable, car une large part du public international ne peut voyager pour des raisons sanitaires”, confirme Audrey Terai.

Prime à la diversification

En attendant que la Covid passe son funeste chemin et que le frémissement événementiel se transforme en bouillonnement, mieux vaut, pour tirer son épingle du jeu, être en mesure de proposer d’autres activités. Ainsi, le domaine de Chantilly table sur ses activités muséales, ses trois expositions en cours et ses multiples événements grand public. Au château de Montvillargenne, mariages et visiteurs du week-end remplacent les participants de séminaires. “Nous avons la chance d’être multi-segments, de ne pas opérer uniquement dans le secteur BtoB et d’accueillir notamment des événements familiaux et des individuels”, fait remarquer Audrey Terai. À défaut de séminaires d’entreprises, le musée de l’Air et de l’Espace accueille pour sa part de plus en plus de tournages. “Les tournages de films ou de documentaires dans nos locaux sont plus nombreux que par le passé : ils ont lieu tous les lundis – jour de fermeture du musée – ce qui n’était pas le cas avant le confinement”, souligne Alice Charbonnier. Et de préciser : “les tournages ont un impact positif sur les équipes internes du musée : cela leur permet de garder une activité et de rester dynamiques”.

“L’application du principe de précaution par les entreprises souhaitant éviter d’être pointées du doigt comme un potentiel foyer de contamination est sans doute aussi responsable de la désaffection pour les séminaires d’entreprises”

Le multi-segment n’est toutefois pas la panacée, comme en témoigne Corinne de Conti, directrice du Toit de la Grande Arche de la Défense (groupe CityOne), qui comprend trois auditoriums, un espace culturel, un restaurant et un roof top de plus de 1 000 m2. “Après la réouverture le 8 juin, notre activité événementielle a connu un léger frémissement. Nous avions mis en place différents dispositifs sanitaires, divisé notre jauge par 4 pour les auditoriums en limitant le nombre de participants à 200 au lieu de 800, mis en place un cheminement spécifique dans l’espace culturel. Cela n’a pas suffi. Nous avons enregistré 11 269 visiteurs du 8 juin au 14 septembre 2020, contre 61 000 environ pour la même période 2019”, indique Corinne de Conti, qui poursuit : “à la rentrée de septembre, nous avons constaté de nombreuses annulations d’événements prévus au dernier trimestre 2020 ou des options non confirmées. En conséquence, nous avons décidé de fermer à nouveau le Toit de la Grande Arche dès le 1er octobre. Nous sommes coupés dans notre élan. Nous rouvrirons le 31 mars 2021. Si nous constatons une amélioration de la situation, nous étudierons alors notre réouverture.”

Une désaffectation que Corinne de Conti explique en partie par la baisse conséquente du nombre de salariés revenus dans le quartier d’affaires depuis le déconfinement : “30 % d’entre eux seulement sont revenus travailler à la Défense”, précise-t-elle. L’application du principe de précaution par les entreprises souhaitant éviter d’être pointées du doigt comme un potentiel foyer de contamination est sans doute aussi responsable de la désaffection pour les séminaires d’entreprises.

Des protocoles sanitaires stricts pour restaurer la confiance

Pourtant, les lieux de congrès et de séminaires ont mis en place des protocoles sanitaires très stricts, avec port du masque obligatoire dans leurs enceintes, des kits sanitaires pour les salles de réunion, voire même nettoyage et désinfection des salles de réunion à chaque pause. “Il est essentiel de faire confiance aux lieux organisant des séminaires d’entreprises et autres activités événementielles. Nous avons mis en place un cahier des charges très strict. Nous travaillons avec la sous-préfecture et allons même au-delà des contraintes imposées afin de rassurer les autorités mais aussi nos clients”, souligne Morgan Languille.

“Nous travaillons avec la sous-préfecture et allons même au-delà des contraintes imposées afin de rassurer les autorités mais aussi nos clients”

“La rénovation du château de Montvillargenne, prévue avant le confinement, a permis de retravailler l’accueil, la distanciation sociale et le parcours client, en respectant un cahier des charges spécifique qui va au-delà de ce que nous demandent les autorités. Notre objectif est de rassurer les clients”, abonde Jeff Macquet, qui reconnaît néanmoins que le secteur souffre “d’un manque de visibilité”. “Nos clients sont également dans l’attentisme”, confirme ce dernier. Alors pour pallier l’imprévu, le château de Montvillargenne a mis en place des conditions générales de ventes (CGV) plus flexibles avec la possibilité de décaler un événement “si cela s’avère nécessaire pour les plus importants d’entre eux”, précise le directeur marketing et commercial du groupe.

Sophie Sebirot

 

4Event, une plateforme pour relancer l’événementiel

L’événementiel étant durement touché par la crise sanitaire, Provence Côte d’Azur Events (PCE), réseau des professionnels de la filière événementielle en région Paca, a décidé d’accélérer la mise en place de la plateforme en innovation événementielle 4Event, développée en partenariat avec l’Institut supérieur du tourisme de Cannes (ISTC). 4Event devrait être opérationnelle début 2021.
Cette structure vise à favoriser l’émergence de nouvelles pratiques pour répondre aux besoins des acteurs de l’événementiel et des territoires durant la crise sanitaire et dans le futur. “L’objectif est de structurer la filière événementielle afin que les entreprises soient plus solides à l’avenir”, explique Pierre-Louis Roucariès, président de PCE.
Cette structure inédite s’adresse à l’ensemble des professionnels, aux start-up, aux territoires et agences de développement ainsi qu’aux étudiants. “Grâce à la chaire internationale de recherches sur le management des risques dans le secteur du tourisme et de l’événementiel (Cirte), nous allons pouvoir rassembler des informations sur les bonnes pratiques et idées qui se font jour en France et à l’étranger afin de mieux préparer les cadres et les dirigeants des acteurs de l’événementiel”, souligne Pierre-Louis Roucariès, qui ajoute : “la formation est un élément majeur pour faire évoluer la filière”.
4Event est organisée autour de quatre pôles : 4Event Carreers & Learning pour la montée en compétences des étudiants, via la formation initiale, et des salariés via la formation continue ; 4Event Incubation ; 4Event Research avec la Cirte ; 4Event Resources, qui proposera des prestations, la mise à disposition d’espaces ou encore l’organisation d’événements. “Tout acteur concerné par l’événementiel pourra se connecter à la plateforme et choisir ce dont il a besoin”, indique Pierre-Louis Roucariès. Les prestations de 4Event seront payantes. Hébergée à Cannes, cette structure aura une vocation nationale.

 

“Covid19 Business Ready”, un label de sécurité sanitaire pour le palais des festivals de Cannes

Afin de rassurer ses clients à toutes les étapes de la chaîne événementielle, le Palais des festivals et des congrès de Cannes a fait l’objet d’un audit “Covid19 Business Ready”, réalisé par le groupe Socotec, spécialisé dans le contrôle construction. Permettant d’évaluer l’exposition de la structure au risque de sécurité sanitaire, cette évaluation, qui a comporté une centaine de points de contrôle, a permis de labelliser tous les espaces du palais : zones de bureaux et organisations, office de tourisme et boutique, quais de livraison, terrasses et espaces d’expositions, de réception et conférences.
Cinq ensembles de mesures concrètes ont été pris, portant sur les infrastructures, la maîtrise des prestataires et fournisseurs, la protection des salariés, la protection des tiers, et l’accompagnement pour la préparation et l’accueil d’événements. “Nous avons été parmi les premiers à mettre en place un label de sécurité sanitaire”, explique Didier Boidin, directeur général du Palais des festivals et des congrès de Cannes, qui rappelle que plus 13 000 emplois dépendent de l’établissement. Outre le label “Covid19 Business Ready”, le palais des festivals a également obtenu de la part de Socotec le label “Ecovid”. “Notre objectif de rassurer nos clients est atteint. Les personnes ont désormais accepté les règles à suivre. Nous avons prouvé que nous pouvions travailler. Ainsi pour Canneseries, nous avons notamment mis en place des cabines de filtration et pris la température des participants. Nous envisageons désormais de travailler sur un label extra-européen afin de rassurer encore davantage nos clients internationaux : c’est une garantie supplémentaire que nous souhaitons donner”, indique Didier Boidin. “Toutefois, les organisateurs demeurent encore frileux en raison du climat d’incertitude actuel”, déplore Didier Boidin. Et de proclamer haut et fort : “il faut nous faire confiance !”

 

L’interdiction des événements suivie des deux mois de confinement aurait coûté au secteur de l’événementiel 15 Mds€ de perte de chiffre d’affaires. Pour rappel, en 2018, 380 000 événements ont été organisés en France métropolitaine, dont 54 % de séminaires d’entreprises. Les retombées économiques de ces événements se sont élevées à 32 Mds€.

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