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Avec le Cinq, le restaurant gastronomique trois étoiles qui vient de rouvrir, le Four Season Hotel George V est désormais en ordre de marche. Un premier bilan de cette période très particulière ?

Au moment nous parlons, avec le Cinq la réouverture est en effet complète. Cet été 2021 a vu une reprise d’activité rapide grâce à la clientèle internationale, celle du Moyen-Orient et américaine, revenue plus vite qu’on aurait pensé. Paris reste une destination phare et sûre dans le contexte actuel de pandémie. L’hôtel a été rouvert dès le 22 septembre 2020, évidemment avec un service restreint pour respecter les règles sanitaires. Mais nous souhaitions répondre présent à la clientèle locale et ceux de nos clients qui avaient la possibilité de voyager. Le palace doit être ouvert sur la ville, ancré dans le tissu local. Je pense que cette démarche, que nous avons depuis de longues années, a été une chance dans la période que nous avons traversée.

La restauration a joué un rôle important ?

Absolument. L’Orangerie et Le George avaient déjà rouvert, enregistrant un regain d’activité extrêmement fort grâce au retour de la clientèle locale et parisienne, qui avait envie de retrouver le chemin des restaurants. Notre philosophie d’une offre ancrée dans un tel contexte local nous a beaucoup aidés. Compte tenu des jauges de distanciation, les restaurants n’ont pas désempli et sont pleins aujourd’hui. Pour la clientèle internationale, savoir que nos salles sont fréquentées par une clientèle locale est important. Cela fait partie de leur charme, de cette atmosphère française et parisienne qu’ils recherchent. Le George, c’est à 10 % seulement une clientèle internationale. Le Cinq accueille nombre de clients extérieurs, dont des clients internationaux qui logent dans d’autres hôtels. Et l’Orangerie, un concept lancé il y a 3 ou 4 ans, est apprécié pour sa cuisine végétale, sans aucun produit carné, tournée vers la légèreté, l’innovation. C’est une plus petite structure, une sorte de petit laboratoire d’innovation pour la cuisine de demain. Notre force, en gastronomie, c’est d’avoir Le V, le George et l’Orangerie, cinq étoiles Michelin cumulées, ainsi que la Galerie, plutôt tournée vers la clientèle de l’hôtel. Donc des offres différentes, des chefs avec chacun leur personnalité, leur vision de la gastronomie mais qui jettent des ponts entre eux, ce qui favorise l’évolution de chacun.

Le Cinq, le navire amiral, est déjà au taquet ?

Le Cinq, c’est la quintessence de notre restauration. On a besoin tout simplement de reprendre nos marques après 18 mois de fermeture, de relancer une machine sophistiquée que le chef Christian Le Squer compare à une équipe de Formule 1, une équipe de grands sportifs qui n’ont pas eu le loisir de s’entraîner, de garder la main et la précision du geste. Il faut leur remettre le pied à l’étrier dans une quête d’excellence. On rouvre donc dans un premier temps avec ces grands plats qui font la renommée du restaurant puis après une courte période de rodage, il sera temps d’insuffler de l’innovation, celle à laquelle le chef Christian Le Squer a réfléchi pendant toute cette période.

La période a été mise à profit pour explorer des nouvelles pistes ?

Une telle interruption est historique pour des établissements comme le nôtre qui vivent 7/7j et 24/24h. Mais elle a permis une certaine remise en question, avec des choses extrêmement intéressantes. Prenez le George, dont le chef Simone Zanoni vient de recevoir le prix de l’innovation digitale de La Liste. Grâce à sa communication originale, il a touché une autre forme de clientèle. La restauration est un moyen de démocratiser le luxe, de toucher une clientèle qui peut ainsi s’offrir un moment d’exception à la mesure de ses moyens. Il y a un réel engouement pour cela. Un jeune couple qui n’a pas forcément les ressources pour s’offrir une chambre ou un dîner au Cinq peut prendre le dimanche un très joli thé avec une belle pâtisserie dans un cadre exceptionnel. Et ce couple sera peut-être demain celui qui pourra s’offrir un dîner au Cinq. Mais dans un établissement comme le nôtre, il ne faut pas diluer la proposition, le produit, le service dans une démarche qui ne nous permettrait pas de tendre vers l’excellence.

Que va-t-il rester, concrètement, de cette période ?

Nous avons eu la volonté, par exemple à Noel, Pâques ou la Saint-Valentin d’ouvrir des boutiques éphémères, des pop-ups, en pâtisserie, en sommellerie… Avec un réel succès. La clientèle a apprécié ces occasions de vivre de petits moments d’exception quand peu de choses étaient accessibles. Nous avons exploré de nouvelles possibilités, comme celle d’utiliser des espaces d’ordinaire totalement exclusifs, comme la suite royale et son jardin, pour proposer un bar éphémère, des dîners d’exception avec vue sur la Tour Eiffel… Aujourd’hui on s’autorise plus de liberté pour imaginer et proposer de tels moments, mettre en place de nouvelles propositions. C’est quelque chose que nous voulons faire perdurer.

Suite à cette crise, certains établissements revoient leur positionnement en gastronomie, étoilée en particulier. Et vous ?

La restauration est un facteur majeur du voyage et cette période a clairement conforté nos certitudes sur son importance dans des établissements comme le nôtre. Et on a toujours eu la volonté de défendre ce parti pris. La pandémie a conforté ce choix. On le constate tous les jours, nos clients ont la démarche d’aller aussi vers d’autres restaurants que les nôtres. Certains palaces peuvent avoir fait un autre choix, nous ce n’est pas le cas. Aujourd’hui on veut reprendre et assurer la qualité qu’on a toujours proposée. Il n’est pas question de remettre en question nos étoiles dans l’assiette, la salle, le service… Notre positionnement est clair, nous sommes une destination gastronomique d’excellence. Les palaces représentent l’art de vivre à la française et n’ont jamais autant compté dans l’attractivité d’une destination internationale comme Paris et la France. D’ailleurs, dès lors que nos clients l’ont pu, ils n’ont pas attendu une seconde pour revenir ! La France, comparée à d’autres destinations, a une chance incroyable, c’est son niveau d’expertise, en particulier en gastronomie. Elle a donc toujours toute sa place. Les clients trouvent à Paris un niveau d’excellence, qu’il s’agisse de l’assiette, du cadre, du service. On associe souvent « étoilé » et « guindé ». Mais allez au George ou à l’Orangerie, c’est plutôt liberté qui vient à l’esprit. Et cette liberté on entend bien la porter plus loin mais sans rien lâcher sur l’excellence, bien au contraire.

Vous allez donc faire évoluer les choses ?

Il y a clairement une réflexion. Un travail a été lancé avec les chefs, les propriétaires, les équipes en salle pour réfléchir à ce que sera la gastronomie étoilée demain. On le voit par exemple avec le succès du George, ce qui compte c’est l’expérience globale, l’identité que vous donnez et le message que vous portez. Bien sûr il faut évidemment plus que jamais rechercher l’excellence et la quintessence dans l’assiette mais aussi tout ce qui va autour, la sommellerie, le cadre, le service… Mais ce qui fait la différence dans nos établissements ce ne sont pas les étoiles ou le nombre de couches d’or mais les femmes et les hommes qui les animent, qui leur donne vie, qui produisent cette harmonie qui attire et séduit nos clients. Ceux-ci ne nous disent pas que nos lustres sont plus beaux qu’ailleurs mais qu’ils apprécient la sincérité – le mot est important – qui se dégage de l’ensemble, de l’engagement des chefs, des équipes. Cette harmonie est complexe à mettre en oeuvre mais fondamentale…

Il y a de réelles difficultés de recrutement dans l’hôtellerie-restauration. Où en êtes-vous ?

La pandémie a rappelé l’importance de l’engagement des équipes. Et de ce côté il va y avoir de nouvelles attentes, à nous d’y répondre. La philosophie, ici, est de traiter les autres comme on aimerait être traité soi-même. Et cela passe par le recrutement. Il fut un temps où les palaces recrutaient des personnes pour les mettre dans le moule en espérant qu’elles ressemblent à ce qu’on pensait être l’employé de palace type. Nous, nous préférons aller rechercher des personnalités, bien sûr compétentes dans leur métier, mais qu’on va aussi laisser s’exprimer pour ce qu’elles sont véritablement et générer ainsi cette sincérité dont je parlais. C’est ce qui va finalement toucher le client et on l’obtient plutôt par l’hétérogénéité des profils que par l’uniformité du moule. J’insiste, ce n’est pas là une réponse à la difficulté de recruter mais une vraie démarche, mise en oeuvre depuis de longues années. Et nous sommes une maison qui continue à faire rêver les professionnels…

Comment faites-vous pour choisir ces personnalités ?

Je rencontre toutes les personnes après qu’elles sont passées par plusieurs entretiens avec des professionnels pour valider leurs compétences métier. Je veux savoir qui est derrière chacun, sa vision du métier, le parcours qu’il souhaite avoir dans l’établissement, son adéquation avec notre philosophie et ce qu’il va pouvoir apporter en termes de connexion avec l’équipe et les clients. C’est fondamental. On va aller chercher des personnes aux parcours atypiques, qui peuvent même casser les codes traditionnels du palace, dans le look, la façon d’aborder les clients – lesquels d’ailleurs cassent eux aussi les codes ! – on ne s’attarde plus à un tatouage, à des critères physiques…

Un exemple concret ?

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