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Hôtels-restaurants : non, « le gouvernement n’aide pas tout le monde ! » pendant le confinement

Parce qu'ils emploient plus de 50 personnes dans leurs hôtels-restaurants à Chartres, Bertrand et Nathalie Jallerat sortent du périmètre d'éligibilité. Financièrement, ils sont au bord du gouffre. Un exemple de trou dans la raquette des aides aux entreprises de l'État.

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« Nous continuerons de soutenir massivement ceux qui en ont besoin », « nous ferons le maximum pour sauver tout le monde ». Ces déclarations du ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire ont le don d’agacer Bertrand et Nathalie Jallerat, un couple propriétaire d’hôtels à Chartes, dont le très chic Grand Monarque, situé à 5 minutes à pied de la cathédrale. Chez eux, l’annonce du reconfinement a été vécue comme un coup de grisou : après avoir vu leur trésorerie réduite à néant durant le premier confinement, ils avaient réussi à redresser la barre cet été. Hélas, le second confinement en cours depuis le 30 octobre les replonge dans la torpeur. Au Grand Monarque « nous tournons actuellement à 2 % de notre activité », témoigne Bertrand Jallerat. En effet, si quelques chambres sont louées, le restaurant étoilé, la brasserie et le bar qui représentent 80 % du chiffre d’affaires de l’établissement ne peuvent plus accueillir de public…

Le droit à aucune aide

Problème, pour faire face, « nous n’avons le droit à aucune aide de l’État, rien ! », déplore Nathalie Jallerat. Dès lors, « qu’ils ne disent pas qu’ils aident tout le monde », peste son mari. Un trou dans la raquette des aides de l’État comme il y a en a beaucoup depuis le reconfinement. La raison ? La famille Jallerat emploie près de 150 personnes à Chartres, principalement au Grand Monarque, mais aussi dans trois plus petits établissements et un salon de thé-restaurant. Or, le gouvernement n’ouvre l’accès au fonds de solidarité qu’aux entreprises de moins de 50 salariés. « Il faudrait qu’on licencie les deux tiers de nos effectifs pour avoir accès aux aides. Ça n’a pas de sens… », déplore Nathalie Jallerat.

Certes, leurs employés bénéficient du chômage partiel à hauteur de 84 % de leur rémunération nette. Insuffisant, toutefois, pour couvrir tous les coûts fixes et les frais de structures. Ils ont aussi souscrit un PGE de 700 000 euros qui leur a permis de survivre à la première vague. Mais l’entreprise familiale déjà endettée à hauteur de plusieurs millions d’euros sera, en l’état actuel des choses, bien incapable de rembourser ce prêt l’année prochaine. « Nous sommes une entreprise familiale, nous n’avons pas de groupe à la surface financière importante derrière nous, on emprunte donc à chaque projet d’investissement », explique Bertrand Jallerat. Ils ont bien tenté de se tourner vers leur assureur, mais là aussi, échec : « Depuis 20 ans, nous payons 8 000 euros par an notre assurance pertes d’exploitation, mais on nous a répondu que nous n’étions pas couverts en cas de pandémie », s’indigne Nathalie Jallerat. Le calice jusqu’à la lie.

Sentiment d’injustice

Comme beaucoup de commerçants contraints de fermer le 30 octobre, le couple Jallerat est pris d’un sentiment d’injustice. « Les mesures d’hygiènes sont dix fois plus respectées dans les petits commerces que dans les grandes surfaces, où les attroupements sont nombreux », s’énerve Nathalie Jallerat. Alors pourquoi créer de telles différences de traitement ? « Il y a beaucoup d’incohérence », estime-t-elle. Et de s’emporter : « dans cette crise, il vaudrait en fait mieux faire comme Amazon : du e-commerce, ne s’acquitter ni de charges ni de taxes en France, et aller payer moins d’impôts à l’étranger. Le message que l’on nous donne, c’est que ce sont eux les plus intelligents ! ».

Le couple espère que ce calvaire ne durera pas trop. Car le risque de mettre la clé sous la porte existe. « Cela va dépendre de la confiance de nos banquiers… », résume Bertrand Jallerat. Leur volonté de revendre à leurs enfants, eux qui avaient déjà racheté l’affaire aux parents de Bertrand Jallerat à la fin des années quatre-vingt-dix, est aussi remise en question. « Est-ce un cadeau de céder à nos enfants une entreprise surendettée ? », interroge Nathalie Jallerat. Preuve que les conséquences futures de la crise actuelle ne sont pas encore bien estimées.

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