Afrique | Mamoudou Fadil (propriétaire Pullman Douala) : « l’Afrique vit sa révolution hôtelière ! »

La Tribune de l'Hôtellerie part à la découverte de ces hôteliers passionnés par le continent africain. Aujourd'hui, nous avons rencontré une personnalité bien connue du monde des affaires camerounais et ivoirien, Mamoudou Fadil. Il nous livre ici sa vision de l'hôtellerie africaine, de ses perspectives.

LTH : Monsieur Fadil, pourriez-vous, en quelques lignes, résumer votre parcours ? Votre biographie ?

Mamoudou Fadil : Il est toujours difficile de parler de soi et franchement c’est un exercice assez compliqué du fait de la tentation qu’il y a à sombrer dans l’auto gloria. Qu’à cela ne tienne, je vais m’efforcer de dire quelque chose. Je suis Mamoudou Fadil, la cinquantaine révolue, né à Garoua dans la région du Nord Cameroun, administrateur de sociétés et Consul Honoraire de Côte d’Ivoire avec résidence à Douala.

Après mes études secondaires en France couronnées par un Baccalauréat en Sciences Économiques et Sociales, je m’oriente très tôt vers le secteur hôtelier car passionné par les relations humaines et l’industrie du Luxe. Par la suite, je m’envole pour les Etats-Unis où je sors diplômé de Mount IDA College à Boston, Massachussets et de Drexel University à Philadelphie, Pennsylvanie en Gestion Hôtelière, Restauration et Management Institutionnel. Après coup, je décide de rentrer au Cameroun afin d’apporter mon expertise au développement du groupe familial. Ainsi, j’intègre le Groupe familial  » Société Nouvelle des Cocotiers » propriétaire jusqu’à ce jour de l’hôtel bien connu de la clientèle internationale (notamment sous  l’enseigne Méridien). Au décès de mon père, j’ai pris la direction de la société.

In fine, je me définis comme un dirigeant d’entreprise qui aime relever les défis indépendamment des secteurs d’activités. Car j’ai toujours évolué dans le monde des affaires et j’ai été animé très tôt  par l’envie de nouveauté. Depuis 30 ans, j’essaye d’être fidèle à cette envie de découverte et ai toujours la même soif en matière d’innovation !

@ credit Hotel Pullman Douala Rabingha

LTH : En tant que propriétaire du Pullman Douala et fondateur du « Business and Investment Holding », vous êtes un témoin privilégié depuis 30 ans de l’évolution de l’hôtellerie africaine. Quelles sont à vos yeux les changements les plus importants opérés par ce secteur d’activités au Cameroun ?

Mamoudou Fadil : Pour être synthétique, je dois dire que l’hôtellerie, notre secteur d’activité a connu en près de trente ans d’évolution, d’importants changements tant du point de vue des personnes que de celui de l’activité en elle-même. L’activité, en premier lieu, a attiré de nombreux investisseurs locaux qui entendent lui donner respectabilité et prestige. Aussi voit-on aujourd’hui foisonner des hôtels et complexes de renom aux quatre coins du pays. Ce qui est édifiant pour le parc hôtelier national de plus en plus pourvu. Mieux encore, notre secteur d’activité est aujourd’hui une filière de forte employabilité. Pour ce qui est des personnes, ce sont de jeunes entrepreneurs qui s’investissent dans l’activité pour créer de la richesse. Ils sont audacieux pour la plupart et pleins d’entrain. Tout cela laisse augurer des lendemains plus qu’enchanteurs.

 

LTH : Lors d’un voyage au Cameroun, j’ai eu l’occasion d’échanger avec plusieurs Directeurs d’hôtel pour la plupart européens. Comment expliquez-vous la rareté de managers africains alors même que l’on assiste dans plusieurs régions du monde à un mouvement de fond de recentrage des élites sur la région ?

Mamoudou Fadil : L’hôtellerie, ailleurs dans le monde et plus précisément dans les pays occidentaux, tient d’une vieille histoire et d’une pratique plus que séculaire. En Afrique, elle est une profession relativement récente. On peut même la dater s’agissant des nationaux, de nos périodes post-indépendances donc autour des années 60,70 et 80 qui sont à vrai dire les périodes de balbutiements et d’esquisse de mise sur pied de quelques établissements convenables. Bien sûr ont préexisté de rares hôtels au service des administrateurs pour la plupart européens mais ce n’était pas pour la clientèle locale très peu au fait de ces choses-là.

C’est avec l’émergence à l’orée des années 90 des filières et offres de formation en hôtellerie et tourisme que l’on a vu  arriver, sur le marché du travail « cadre », des managers hôteliers africains de métier.

Sont-ils rompus à la tâche ou aguerris pour exercer dans de grands groupes ? En tout cas les patrons d’hôtels sont restés réticents à leur encontre. D’où leur rareté. Cependant, la profession est dynamique et des investissements dans l’activité se sont multipliés ouvrant ainsi la voie à une sollicitation iirémédiable de cette main d’œuvre parfaitement formée. Et l’espoir c’est que ces cadres africains de l’hôtellerie prennent la place qui leur revient !

 

LTH : Formé en France et aux Etats-Unis, entrepreneur en Afrique, créateur d’un « business think tank », vous êtes un camerounais citoyen du monde. En vous appuyant sur votre vision internationale de « l’hospitality » pensez-vous que l’Afrique verra émerger sous peu un groupe hôtelier de dimension continentale voire mondiale ? 

Mamoudou Fadil : L’afro-optimiste que je suis, ne désespère pas au vu des dynamiques qui se mettent en place dans la filière, de ce que des grands groupes hôteliers purement africains, vont d’ici peu émerger et répondre aux exigences des standards mondiaux. On en n’est pas si loin et déjà voit-on se développer sur le continent des noms prestigieux qui progressivement rognent des parts de marchés, se déploient hors de leur pays d’origine, affirment une certaine originalité et tiennent la dragée haute à quelques labels de renom connus de tous. Je pense aux groupes tels ONOMO, MANGALIS du Sénégalais Yérim SOW avec ses enseignes hôtelières comme NOOM, SEEN ou YAAS bien représentées dans toute l’Afrique occidentale, sans oublier aussi le groupe AZALAI, propriété de l’homme d’affaires Malien Mossadeck BALLY, lui aussi en déploiement progressif dans la région au sud du Sahara.

 

LTH : Serait-ce la raison pour laquelle vous avez mis sur pied une structure de conseil, de gestion, d’accompagnement et de recherche de financement hôtelier et touristique dénommé « Hospitality Management and Investment Consulting »?

Mamoudou Fadil : Voyez-vous, cette initiative de la Hospitality Management and Investment Consulting (HMIC) devenait à la fois un impératif et une aubaine. Après trente ans de pratique et d’expertise, j’ai eu à constater qu’il n’y avait pas de vrais hôteliers de formation aux normes et standards internationaux ici sur place. Ceci dit, sans aucune dépréciation de ceux qui se battent déjà pour tenir le challenge, nous voulons tout simplement faire valoir, qu’il y a mieux en termes de professionnalisme et d’exigences. HMIC que j’ai mise sur pied entend apporter beaucoup de valeur ajoutée dans ce qui relève de l’industrie hôtelière et touristique dans son ensemble ; en amont comme en aval. À tous, propriétaires d’établissements hôteliers, investisseurs potentiels ou désireux de l’être, gérants en activité ou en ambition de l’être et autres opérateurs de la filière, nous travaillons dans le but d’offrir des solutions personnalisées et clés en main à tous et à chacun dans son rêve.

 

LTH : Comme vous le savez, l’émergence d’une classe moyenne a permis dans les pays dits développés de consolider leur économie touristique et plus globalement leur secteur hôtelier. Cette classe moyenne est encore insuffisante dans nombre de pays africains. Pourquoi ne voit-on pas se développer une hôtellerie hybride mêlant « coworking », « espace santé », « bureaux », restauration concédée et hôtellerie ? Cela permettrait aux investisseurs africains de rentabiliser plus aisément leurs investissements ?

Mamoudou Fadil : Vous évoquez là une préoccupation qui reste majeure pour les entrepreneurs et autres personnes qui, comme moi, investissent et réfléchissent sur les issues et opportunités qu’on peut et doit même donner à l’industrie hôtelière dans nos pays. Bien évidemment qu’il est difficile dans nos contextes de dégager une classe moyenne qui a un pouvoir d’achat conséquent pour ce faire. Pour autant, la piste du « coworking » entendue comme la concentration avantageuse de certaines activités dans un même cadre hôtelier donné que vous suggérez, apparaît bien entre autres comme une esquisse de solution pour les questions de rentabilité. Mais il n’y a pas que ça. Il nous faut d’abord travailler à l’attractivité de nos hôtels pour en faire des lieux de fréquentation assidue. Pas que de simples dortoirs et réfectoires comme cela semble malheureusement être le cas ici et là. J’entends par là de belles bâtisses à l’architecture égayée et aux fonctionnalités multiples, mêlant confort et diversité dans leurs offres et susceptibles d’apparaître aux yeux de tous et de chacun comme un havre de bonheur. Qui peut résister à tout cela  ?

LTH : Monsieur Fadil merci infiniment pour votre temps. À très vite.

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