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C’est ce qu’on appelle un secteur en tension. Autrement dit, des métiers où l’on manque de personnel, où le turn-over est de rigueur, où la paie et les conditions de travail n’ont rien d’appétissantes. Et pour cause, être serveur dans un café ou un restaurant est souvent synonyme de mauvais traitements. « De plus en plus, les gens s’adressent à nous comme à des machines devant délivrer une prestation, expliquait une ancienne employée du secteur Hôtel, Café, Restaurant (HCR), interviewé par Le Monde, Et tout ça pour quoi ? Je veux bien rendre service mais c’est donnant-donnant. Or, il n’y a aucune reconnaissance du travail. Et ce n’est pas que des « mercis », ça passe par du salaire ! ».

Oisiveté, liberté et dignité

Serveur, plongeur, cuisinier, réceptionniste… Tous ces métiers, qui peinaient à recruter – 150 000 emplois étaient à pourvoir avant la pandémie – connaissent, depuis la crise sanitaire, une hémorragie de personnel. La Direction des Études et des Statistiques (Dares), estime que le secteur a perdu quelque 237 000 employés entre 2020 et 2021. Où sont-ils passés ? Dans le commerce, les services publics en contractuel, à la retraite, en reconversion professionnelle… Peu importe. L’oisiveté, mère de tous les vices selon les bigots, les conservateurs et les patrons, leur a ouvert de nouveaux horizons et les a aidés à franchir le pas : rendre leur tablier. « Le Covid a rappelé aux salariés qu’ils avaient une famille, constate Arnaud Chemain, secrétaire fédéral CGT des Commerces et Services. Ça leur a ouvert les yeux sur leurs conditions de travail. Leur a permis de faire le point sur leur carrière, ce qu’on ne peut pas faire quand on a le nez dans le guidon. »

Une découverte presque pour tous les salariés des différentes professions du secteur HCR tant les conditions de travail sont pénibles. En octobre, le magazine pro L’hôtellerie restauration a recueilli l’opinion de quelque 6 145 salariés ou ex-salariés du secteur. Le but ? Sonder les âmes et les cœurs et savoir ce qui les ferait « rester ou revenir » dans le métier. Leurs réponses ont fait jaser jusque dans les allées du congrès de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih), le principal syndicat patronal du secteur, qui se tenait fin novembre à Strasbourg. Ainsi, sept sur dix des employés questionnés souhaitent « une revalorisation de salaire », un sur deux « le paiement de toutes les heures supplémentaires » et quatre sur dix « la fin du travail en coupure ». Les commentaires sont encore plus éloquents que les statistiques : « Avec nos salaires, nous n’arrivons même pas à obtenir un logement : cela fait pitié, on bosse comme des fous », déplore l’un. « C’est une honte d’avoir des conditions de travail aussi mauvaises et des salaires aussi minables au pays de la gastronomie », constate un autre. « N’avoir aucun week-end, aucune fête et parfois pas de repos de tout l’été, ne devrait plus exister », estime un troisième.

Leur point commun ? Vouloir faire respecter le Code du travail et venir à bout de leur convention collective si rétrograde que ce qui est interdit dans d’autres professions est le lot quotidien des employés HCR : salaires de base au ras des pâquerettes (une quarantaine d’euros en dessous du Smic), horaires à rallonge, coupures entre les services, autoritarisme des petits chefs en cuisine et du patron derrière le tiroir-caisse…

Une telle fuite des porteurs d’assiettes ou des serveurs d’expresso fait peur aux patrons du secteur. Mais pas seulement. Au gouvernement aussi. Il ne faudrait pas que ce manque de main-d’œuvre vienne mettre en péril la reprise du secteur touristique, du luxe et de l’événementiel. Le 17 septembre, Élisabeth Borne, dont la fibre sociale n’est pas si évidente, a donc pressé les patrons HCR de trouver fissa une solution pour rendre plus attractifs ces métiers du service. Elle leur a demandé de prendre en compte « les impératifs de la vie personnelle des salariés » et souhaité « des négociations dynamiques et ambitieuses avec obligation d’aboutir ».

Augmentation des salaires versus défiscalisation des pourboires

De quoi énerver les patrons qui n’ont pas apprécié l’injonction ministérielle mais ont quand même dû accepter un round de négociations sur la revalorisation de la grille salariale. Dans leur malheur, ils ont pu compter avec un allié de choix. Fin septembre, Emmanuel Macron est venu mettre son grain de sel en proposant la défiscalisation des pourboires payés en carte bancaire, l’un des vœux du patronat. Autant dire « une manière de passer la patate chaude aux clients et consommateurs, en les incitant à laisser des pourboires « défiscalisés » via un moyen de paiement électronique pour compenser les très faibles rémunérations des salariés du secteur », enrage Arnaud Chemain tandis que la CGT, dans un communiqué rétorquait qu’elle ne demandait pas « la mendicité ».

D’autant plus que d’autres revendications sont aussi au menu des syndicats de salariés pour un second volet de négociation, qui devrait aboutir d’ici à fin mars 2022. Un treizième mois, la « sacralisation » d’un week-end par mois, le paiement des heures supplémentaires, la majoration des jours fériés, des heures de nuit… Tout est sur la table. Et tout risque d’être essuyé d’un coup de torchon par le patronat du secteur. « Le social c’est aussi de l’économie, et ce n’est pas parce que le secteur a eu des aides qu’il doit y avoir des compensations ! », estimaient sans se démonter les syndicats patronaux devant la ministre du Travail. Pas de quoi dégeler le climat social du secteur.

Reste que de l’intérieur aussi des critiques émergent. « Il y a vingt ans, le patron était souvent le chef de cuisine. On parlait menu, service, clientèle… Aujourd’hui, je n’ai plus affaire à des restaurateurs mais à des businessmen. On parle marge, coût RH [ressources humaines], rentabilité. Ils sont parfois propriétaires de quinze restaurants, c’est donc que ça marche ! Mais sur quoi on marge ? Pas sur les charges. Sur la matière première ? On ne peut pas descendre au-delà d’un certain point. Donc, le dernier levier, c’est sur les RH. », confiait au Monde un directeur de restaurant. (…) Lire la suite sur Charlie Hebdo

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