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Comment l’épidémie rebat les cartes de l’hôtellerie et des transports

Invités à débattre au 7e Sommet de l'économie de Challenges, Sébastien Bazin (Accor) et Jean-Pierre Farandou (SNCF) esquissent les contours de l'après confinement.

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Envie de sortir et de s’en sortir, alors que le confinement n’est pas encore terminé, la cheffe étoilée Stéphanie Le Quellec, aux commandes du restaurant la Scène à Paris a ouvert les débats via une carte postale envoyée en vidéo et diffusée lors du 7e Sommet de l’économie de Challenges, organisé ce jeudi 3 décembre. « Pas question de rester inactif pendant cette crise historique, nous avons créé un menu de plats à emporter, nous nous sommes réinventés », raconte-t-elle en adressant un pied de nez à la morosité en inaugurant une nouvelle épicerie baptisée Mam, inspirée et dirigée par sa mère.

Sébastien Bazin, le président du groupe Accor, lui aussi gravement impacté par l’épidémie de Covid puisqu’il a dû mettre 280.000 salariés en chômage partiel (sur 300.000 au total), confirme que la période du premier confinement a été propice aux réflexions à long terme. Avec un constat inattendu, partagé par son homologue Jean-Pierre Farandou, le président de la SNCF: l’outil du yield management qui régissait le monde du tourisme et des transports depuis vingt ans est aujourd’hui bouleversé. « Nous nous retrouvons avec une offre bien supérieure à la demande, évidemment cela nous pousse à afficher des petits prix, comme nous l’avons fait cet été dans nos TGV et trains régionaux, avec le résultat très positif d’avoir eu un taux de remplissage de 85%. »

S’adapter à la frilosité des clients pro

C’est une divergence majeure avec le président d’Accor: « Pas question de brader les prix dans nos hôtels!, insiste Sébastien Bazin. Ce serait très dangereux car des prix bas ne remonte pas et car nous devons maintenir un modèle économique permettant d’assurer des coûts fixes très importants. » Selon lui, il faut attirer les clients en améliorant l’offre, en proposant de nombreux services en plus de l’hébergement: le spa, la visite au musée…

Une partie de la clientèle risque ne pas revenir de sitôt, dans les hôtels comme dans les trains: la clientèle professionnelle. Elle a pris l’habitude d’utiliser les outils de réunion à distance, elle a constaté que le télétravail fonctionne. En revanche la clientèle de loisirs devrait très vite revenir. « Regardez la jeune génération! explique Jean-Pierre Farandou. Elle ne passe plus son permis de conduire, ne prend plus l’avion car cela pollue, elle aime le train! » Le patron de la SNCF pense qu’il est possible aussi de convertir une bonne partie de la clientèle seniors. « Nous avons beaucoup à faire pour les séduire car c’est une génération très attachée à sa voiture ».

Tirer parti du boom des tiers lieux

Quant aux clients professionnels, Sébastien Bazin considère qu’il faut savoir répondre à leurs nouvelles envies. « Plus de 70% des salariés veulent travailler plus souvent à distance, mais la moitié d’entre eux ne veulent pas rester à la maison, d’où l’énorme croissance des tiers lieux! » Le groupe Accor a d’ailleurs fait l’expérience en interne de ce nouveau marché pendant l’épidémie, en proposant à ses 2.000 salariés du siège en Ile-de-France d’aller travailler dans l’un des hôtels du groupe le plus proche de chez eux. « Nous avons de la place! »

« Nous aussi, nous avons de la place dans nos gares et comptons bien proposer des espaces de travail », renchérit Jean-Pierre Farandou. Les deux dirigeants observent que cette période difficile provoque des changement lourds comme une dispersion des habitants des grandes métropoles vers des villes de taille plus réduite où ils privilégient des maisons plutôt que des appartements. Les déplacements vont s’en ressentir. Plus de TGV, moins de TER?

Accor mise sur le lifestyle

Sébastien Bazin invite à la prudence, « je pensais que les outils numériques à distance allaient durablement diminuer les déplacements internationaux, les longs courriers, mais mes concurrents de Marriott au Hilton m’ont détrompé. Selon eux, ceux qui n’iront pas voir leurs clients perdront leurs contrats, et comprendront vite qu’il faut reprendre l’avion sous peine d’être doublé. »

Le besoin d’air est bien là. Le récent rachat par Accor du groupe d’hôtels britannique Ennismore avec lequel il va constituer un nouvel ensemble d’enseignes dites « lifestyle » témoigne que le coin de ciel bleu est imminent. Le groupe français va terminer l’année 2020 avec plus d’un milliard d’euros de pertes, mais cela ne l’empêche pas de rester agile. « Nous sommes en train de prendre de l’avance dans ce segment de l’hôtellerie où la moitié des recettes ne provient plus de l’hébergement seul, et ou les trois quarts des clients habitent à côté. » L’enseigne Mama Shelter, déjà dans le giron d’Accor, fait partie de ce segment. Elle a fait la preuve de sa capacité à inspirer les jeunes diplômés et les investisseurs mais comme les marques britanniques qui s’allient aujourd’hui à Accor, elle fait partie de ceux qui souffrent le plus en période de crise.

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