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LTH : Bonjour Olivier. Ravi de vous revoir après 10 ans ! Vous avez démarré dans le département Finances des Hôtels Meridien ? Comment avez-vous fait le saut vers l’opérationnel ?

Olivier Servat : Les services financiers d’un hôtel permettent de voir et de comprendre tous les engrenages entre départements et de toujours garder la vision globale en matière de performances de l’entreprise. Je pense sincèrement que cela a aiguisé mon appétit pour les opérations afin de passer du rôle de « spectateur » à celui « d’acteur ».  Ce changement de destination ne peut se faire sans facteur chance. Encore faut-il savoir saisir l’opportunité car bien souvent elle s’accompagne d’un investissement important et d’une réelle abnégation.

Valentino Bertolini @ credit linkedin

Pour moi, la chance prit la forme d’un merveilleux Directeur Général, Valentino Bertolini alors Directeur Général du Méridien Royal Mansour au Maroc !

Pour moi, la chance prit la forme d’un merveilleux Directeur Général, Valentino Bertolini alors Directeur Général du Méridien Royal Mansour au Maroc !

Dans un premier temps, Valentino Bertolini m’invita à assister à une réunion des ventes un samedi matin de 1998.

A l’époque on découvrait le « yield management », on n’avait pas encore inventé la fonction de « revenue manager », la tâche était alors, confiée au Chef de réception. Valentino Bertolini eut alors la bonne idée de créer un binôme entre le Chef de réception et ma modeste personne pour mettre en place la plateforme de Yield Management à l’hôtel. C’est grâce à cette application concrète que j’ai commencé mon immersion opérationnelle. Comme j’ai pu le dire précédemment, l’abnégation et la motivation doivent être réelles car bien souvent, ce changement de voie peut être perçu comme une régression dans un premier temps !

Bio Express

Olivier Servat, toulousain d’origine, est titulaire d’un MBA de l’Université de Londres et a suivi son cursus initial à l’école hôtelière de Toulouse. Il intègre le groupe Méridien en 1995 en tant que contrôleur financier pour les quatre hôtels du Maroc et en tant qu’adjoint du Directeur Général du Royal Mansour Méridien à Marrakech. En 2003, il supervise l’ouverture du Meridien Abuja au Nigéria en tant que Directeur Général jusqu’en 2005. De retour à Paris, Olivier Servat occupe en 2006 le poste d’Hotel Manager du Méridien Montparnasse en charge de la coordination des opérations et de l’exploitation de l’hôtel. En 2009, il intègre Le Meridien Etoile, le plus grand hôtel de Paris avec 1 025 chambres et fleuron de la marque Le Meridien.
En tant que directeur de l’hôtel, il aura la charge de la rénovation des espaces  stratégiques de l’hôtel (lobby, jazz club, chambres executive) et organisera en lien étroit avec la marque Le Meridien la mise en place de « l’Arrival Experience » initiative clé du repositionnement de la marque. source L’ADN

 

LTH : Vous avez ouvert un établissement emblématique à son époque, le W Hotel Paris Opera. Quels souvenirs en gardez-vous ? 

Olivier Servat au W Paris Opera – 2011

Olivier Servat : Lorsque Starwood a concrétisé la signature du W Paris Opera, cela a représenté un événement énorme en interne. Tout d’abord parce qu’en 2012, nous étions le troisième W après Barcelone et Londres à ouvrir en dehors des Etats-Unis. Ensuite parce que Starwood repositionnait « W » comme une marque de luxe et pas seulement « lifestyle ». Et enfin, parce que Paris, pour ce que la capitale  représentait en matière de destination, et aussi par sa pluralité de marques et de standard d’hôtels, n’attendait pas spécialement l’américain W…

Nous avons relevé et réussi le pari d’ouvrir sur un positionnement de « luxe décontracté et décomplexé » qui voulait allier le meilleurs des deux mondes : le chic et la sophistication d’un cinq étoiles avec la fluidité d’un boutique hôtel lifestyle. Et en dehors du support technique de la marque et de notre équipe corporate parisienne, mon meilleur souvenir reste cette équipe d’ouverture dont les souvenirs sont gravés a jamais. Vous entendrez souvent que tous les efforts se focalisent sur le « guest expérience » qui, bien sûr, est la finalité. Mon focus personnel dans l’action fut le « staff expérience » ; car si vous réussissez à constituer L’équipe idéale, votre « guest expérience » est acquise. Et je peux le dire, à Paris, l’équipe constituée était une véritable « Dream Team » !

 

LTH : Comment expliquez-vous la fin prématurée de cet établissement ?

Olivier Servat : Déjà en 2012-13, les propriétaires envisageaient une extension avec le bâtiment mitoyen pour augmenter le nombre de chambres et par conséquent alléger le poids des charges fixes. J’ai quitté Paris l’été 2013 et je ne serais pas le mieux placé pour parler d’aléas économiques à Paris à ce moment-là, mais une chose est certaine :  pour qu’un tel produit soit pérenne, il faut faire la synthèse de la constance du produit, de l’équipe et du programme. Le luxe, j’en suis témoin, coûte cher, pas pour se faire plaisir en tant qu’opérateur ou propriétaire, mais pour être capable de se renouveler en permanence et surtout afin de créer l’inattendu et une certaine pertinence auprès du public.

 

LTH : Le Méridien Etoile fut pour vous un établissement charnière : vous y avez introduit certaines innovations ou nouveautés ? Pouvez-vous nous en parler ?

Olivier Servat : Je suis arrivé au Méridien Étoile début 2009, après avoir passé 3 années sur la rive gauche au Méridien Montparnasse sous la direction du génialissime Jean Ricoux, d’une grande exigence assortie d’une grande humanité et ce, au moment où Starwood venait d’acquérir la marque. Pendant près de deux ans, Starwood a travaillé à relancer la marque, nouvelle image, nouveau positionnement plus « arty », avec une cible business de « creative guest »…

Ma première mission à Etoile fut de mettre en œuvre tous ces changements dans ce qui constituait pour Starwood, à l’époque, le vaisseau amiral de la marque Méridien. Ensuite nous avons travaillé sur la traduction de ces changements en matière de perception de la part de la clientèle, de manière à améliorer les scores de qualité. Le challenge fut de mettre en place des outils capables de traiter un niveau de personnalisation perceptible, dans un paquebot de 1025 chambres doté d’un centre de conférence de 6,000 mètres carrés.

Au regard des plaintes que nous recevions, il était urgent de pouvoir distinguer la clientèle groupes des individuels. Nous avons alors travaillé sur l’accueil, les petits déjeuners… en repensant les espaces, et la gestion des flux afin de permettre une meilleure expérience pour ces deux principaux segments.

 

LTH : Après l’ouverture réussie du W Paris Opera, pourquoi avez-vous fait le choix des USA ?

W Hotel Paris Opéra

Olivier Servat : J’ai choisi de travailler dans l’hôtellerie pour la richesse que procurent les rencontres. Rencontres avec des gens de cultures différentes. Après le W Paris Opera, Starwood m’a offert la possibilité de travailler à Washington DC. Les USA étaient sur ma liste car ma femme et moi voulions aussi offrir à nos enfants une double culture et surtout la possibilité d’être absolument bilingues.

Comme je l’ai souvent dit, les États-Unis doivent être vus comme un continent. Et les mentalités et comportements d’un État à l’autre peuvent être complètement différents. De facto, les opportunités sont multiples et les marchés plus nombreux. Cette multiplicité des opportunités a ainsi permis à de nombreux hôtels, pendant la pandémie, de continuer à travailler grâce au marché local alors privé des arrivées internationales.

 

LTH : Votre carrière américaine en tant que salarié a vite laissé place à l’entrepreneuriat ? 

Olivier Servat : Pour être sincère, c’est presque arrivé par hasard ou plutôt par la force des choses. Après le rachat de Starwood par Marriott, j’ai quitté Washington DC pour la Floride ou j’ai ouvert deux hôtels pour Melia et géré un hôtel boutique de Miami pour une société de gestion. Cette même société m’a offert, peu après, un rôle régional ; après trois ans, je supervisais les opérations de douze hôtels dont cinq en phase de préouverture.

Je voyageais beaucoup et je n’avais plus réellement de contacts réels avec le terrain. J’ai donc fait le choix de revenir vers une direction générale de manière plus sédentaire. Pendant que je cherchais une opportunité pour me repositionner, j’ai assisté un propriétaire d’hôtel pendant quelques mois en Californie, puis un deuxième dans l’Utah … au point que j’ai dû rassembler un collectif d’experts qui m’ont permis d’enrichir une offre complète qui nous permettait de répondre aux besoins que les propriétaires ont, lors des phases de préouvertures et post ouvertures, sur les différentes disciplines de gestion hôtelière.

 

LTH : Vous avez quitté la France à 40 ans passés. Vous pouvez donc comparer, avec du recul, les deux pays. Quelles sont les principales différences que vous avez pu observer  ou ressentir, en tant que professionnel, entre les deux pays ?

Olivier Servat : D’abord, comme je le disais précédemment, la France est un pays et les USA doivent davantage être vus comme un continent. En fait, la France fait la taille du Texas. Comparer les deux en quelques mots, c’est prendre le risque d’être réducteur, mais de manière générale, je pense que la notion « d’aide » au sens où on l’entend en France n’existe pas aux USA. Là-bas, on apprend à l’école, dès le plus jeune âge, à être responsable, à trouver ses propres solutions pour régler ses problèmes (en passant par la prise de parole en public ou encore l’affirmation de soi). Et c’est probablement pourquoi, plus tard, l’entrepreneuriat est davantage valorisé.

Dans mes diverses expériences en tant que Directeur Général, je fus assisté de collaborateurs plutôt réactifs, autonomes et pragmatiques. Il n’y avait généralement pas beaucoup de place pour les sentiments [sourire] et j’avoue qu’en tant que « méditerranéen », cela m’a beaucoup manqué. On aimerait pouvoir échanger de temps en temps sur des sujets autres que l’ordre du jour ou l’agenda professionnel…

En cela, je crois que le modèle occidental européen de management est plus performant sur du long terme, car nous pouvons allier l’agenda professionnel et la création de lien social ce qui nous permet de fidéliser nos collaborateurs sans toujours mettre en avant la dimension salariale…

En cela, je crois que le modèle occidental européen de management est plus performant sur du long terme,

LTH : Envisagez-vous un retour en Europe ? en France ? 

Olivier Servat : Oui absolument. Nous avons passé dix ans à plus de 8000 km, loin de nos familles qui vieillissent et s’apprêtent même à bientôt nous quitter. Il est temps de « give back » comme on dit en anglais. Nos parents nous ont préparé à ce que nous sommes devenus. Désormais, il m’appartient de prendre le relais.

J’ai eu la chance de travailler sur les quatre continents, j’ai beaucoup voyagé sur le continent américain. Mettre mon expérience au service d’un groupe en plein développement, en France ou pays limitrophes, faire grandir une équipe ; c’est tout ce à quoi j’aspire aujourd’hui.

 

LTH : Nous nous sommes rencontrés pour la première fois il y a 20 ans : vous étiez, à l’époque, toujours marqué par votre expérience africaine. Le passionné d’Afrique que je suis vous pose la question suivante : envisagez-vous de retourner en Afrique un jour ?

Olivier Servat : Intéressante question. Je n’ai jamais imaginé revenir en arrière dans ma vie, ce que notre culture oppose au fameux « aller de l’avant ». Mais à y réfléchir, pourquoi pas.

Il y a des régions, en Afrique comme en Europe, où qualité professionnelle et qualité de vie sont conciliables. Tout s’étudie !

 

LTH : Pouvez-vous citer 4/5 noms ou plus qui ont été importants dans votre carrière française ? dans votre carrière américaine ?

Olivier Servat : Spontanément, je citerai tout d’abord Jean Bernard Coppin, Directeur Financier de l’ex Miramar à Biarritz, maintenant plus connu sous le nom de Sofitel : il a été le premier à me faire confiance en me confiant les rênes d’un service en 1993. Me vient ensuite à l’esprit,

Valentino Bertolini, que j’ai cité précédemment, fut pour moi, un Directeur Général d’exception, pétri d’élégance qui m’a offert ma première passerelle vers l’opérationnel en 1995.

Bernard Lambert @ credit Vienna Conferences

Bien évidemment,  figure en bonne place dans mon Panthéon personnel, Bernard Lambert, ancien président de Méridien : il a été une inspiration dès le début de ma carrière au sein du Département Finances du Méridien à Londres. De plus, ces dernières années, j’ai eu l’immense honneur et la chance de collaborer avec Bernard sur plusieurs projets.

Jean Ricoux @ credit linkedin

Au Méridien Montparnasse, de 2005 à 2008, Jean Ricoux, fut également très inspirant et important pour le professionnel que je suis devenu : monstre d’expérience et de sagesse passé par plusieurs groupes internationaux, m’a toujours poussé à l’excellence et ce, pendant nos trois années passées ensemble. Sous sa direction, j’ai pu développer mes compétences managériales et opérationnelles. Et enfin je ne peux conclure sans citer l’immense Flavio Bucciarelli,

Flavio Bucciarelli @ credit linkedin

Area Starwood France qui a cru en moi au Meridien Etoile et ensuite au W : homme de conviction, de passion, grand professionnel, il a mis « la dernière touche » au  professionnel que je suis désormais.

LTH : Olivier, merci infiniment pour cette parenthèse toulousaine et surtout, à très vite pour découvrir votre nouveau challenge professionnel en France  car, nous en sommes certains, les opportunités ne manqueront pas !

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