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Salle comble mercredi dernier à l’hôtel Mérode, à Bruxelles, où le cercle B19 accueillait Sebastien Bazin, PDG du groupe Accor, n°4 mondial de l’hôtellerie et largement leader en Europe. L’occasion de prendre le pouls d’un des géants d’un secteur parmi les plus touchés par la crise sanitaire. En bras de chemise et veste sans manches, ce financier pur jus, passé par Colony Capital et ex-président du PSG, l’a jouée cool, échangeant moult cartes de visites et n’évitant aucun selfie avec les étudiants présents.

C’est que le groupe qu’il dirige depuis 2013 revient de loin. En 2020, son chiffre d’affaires s’est effondré, passant de 4 à 1,6 milliard d’euros. Mais – « chance ou génie », s’interroge malicieusement l’orateur – fin 2019, le groupe venait de finaliser la cession de ses murs. « On a encaissé 6 milliards d’euros. Mais, la crise nous a quand même coûté 1,5 milliard. Sans cette opération, on se serait retrouvé devant le tribunal de commerce. »  

Selon son PDG, la crise a fait perdre 1,5 milaird d’euros à Accor en 2020

 

Autre hasard du calendrier, le jour même où il prit la décision de fermer les 5.200 hôtels du groupe, le 20 mars 2020, se tenait un conseil d’administration devant voter… les 300 millions de dividendes. « J’ai demandé aux actionnaires de le surseoir et de mettre 25% de côté pour nos collaborateurs, ce qu’il a accepté, se souvient-il. À ce jour, 120.000 personnes ont demandé de l’aide. »

Le digital, mantra de l’hôtellerie

La digitalisation du métier n’est bien évidemment pas étrangère à cette externalisation des murs. « On ne peut pas investir à la fois dans la plomberie, l’électricité, la toiture ou la maintenance et dans la gestion, la relation clients, les programmes de fidélité. C’est beaucoup trop d’argent, ce sont des métiers très différents. L’immobilier est un métier d’allocation de capital, de prise de risques, de rendement, le service hôtelier est un métier de compte de résultats, de chiffre d’affaires, de marges. Il fallait donc simplifier.« 

Sébastien Bazin se rappelle avoir eu du mal à convaincre ses actionnaires d’abandonner l’immobilier alors que l’apparition de plateformes de réservation comme Booking, Expedia et Airbnb bouleversaient pourtant le métier. « J’adore le concept Airbnb, mais j’avoue que je n’y ai pas cru au début. Cela me paraissait absurde de réserver un logement chez des gens  dont on ignore tout de l’hygiène. » Mais le bouche à oreille a joué, et Airbnb est devenu le poil à gratter des hôteliers. « Cela nous a donné un énorme coup de pied: 50% des gens qui voyagent dans le monde ne l’auraient sans doute pas fait si Airbnb n’avait pas existé. »

Luxe, calme et volupté

Aujourd’hui Accor tente de s’aligner. Le groupe, qui dit ouvrir un hôtel par jour (mais en fermer 50 à 80 par an), mise sur la digitalisation qui permet de répondre aux besoins du consommateur. « L’apparition des plateformes a donné le pouvoir au consommateur qui peut comparer », constate le PDG en se livrant à un petit exercice de psychologie sociale. « Les gens ont besoin d’oxygène, de trouver du sens, ils ont envie de bien-être de culture, de gastronomie, de découverte de l’autre. Ils n’ont plus nécessairement besoin d’aller loin pour cela. On doit donc changer nos codes, notre manière de faire, anticiper les besoins. »

Sous la houlette de son PDG, Accor a ainsi mis le turbo sur l‘hôtellerie de charme, ce qu’on appelle dans le jargon des « boutiques hôtels » soit des infrastructures moins standardisées, plus accueillantes, plus originales. Quatorze marques répondant à ce profil sont désormais dans le giron du groupe (Mama Shelter, Gleneagles, Delano, Mondrian, Museum Hotels…). Elles ont été récemment regroupées en une entité autonome, Ennismore, basée à Londres. Elle ne compte à ce jour qu’une centaine d’implantations, et pèse moins de 5% du chiffre d’affaires du groupe, mais dans trois ans, ce nombre aura triplé, prévoit Sébastien Bazin: « Ces établissements réalisent plus de la moitié de leur chiffre d’affaires via la communauté locale, ce sont des gens qui habitent dans le quartier, mais qui viennent y prendre un verre, se restaurer, y travailler. »

Bureaux nomades

Sébastien Bazin semble d’ailleurs faire du local une véritable obsession. Il a pris des initiatives en ce sens. Des employés ont décoré des chambres pour les rendre moins anonymes, un projet de services locaux (style points relais) via les hôtels a été testé sans aboutir et, surtout, le groupe entend surfer sur la vague du flex office, le bureau nomade. « Nous avons fait une étude auprès de 40.000 personnes dans 30 pays européens. Seuls 10% veulent revenir au bureau cinq jours sur cinq. 70% ne veulent pas rentrer au bureau, mais ne veulent pas non plus travailler chez eux. Or, avec nos 5.200 hôtels, nous avons les infrastructures pour les accueillir. Avec les hôpitaux et les commissariats, les hôtels sont les seules infrastructures ouvertes sept jours sur sept et 24 heures sur 24. »

Les adhérents  à Wojo, offre de coworking développée avec Bouygues, peuvent ainsi accéder à des espaces de coworking dans les hôtels Accor en France, au Brésil et bientôt dans le reste du monde. « Mais nous allons aller beaucoup plus loin, promet Sébastien Bazin, nous développons la technologie Work-Lib, une app permettant, via la géolocalisation, d’accéder à des espaces de travail à proximité quels qu’ils soient: nos hôtels ne représenteront que 10% de cet inventaire.« 

Optimiste, le patron d’Accor estime que ces initiatives permettront de contrecarrer en grande partie le recul du voyage d’affaires, qui représentait 60% de ses revenus: « 40% voyagent pour le business domestique (Paris, Amsterdam, Bruxelles, Londres… NDLR) et 20% pour le business international. (…) Lire la suite sur L’Echo

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