- Publicité Top Ad -

Puis tout d’un coup, plus rien. “Notre hôtel, ouvert en juin 2019, était lancé à 500 km à l’heure, puis nous avons dû cesser brusquement notre activité”, résume Madelijn Vervoord, directrice générale de l’InterContinental Lyon–Hôtel-Dieu. Avec l’annonce du confinement, l’Académie, le centre de convention de l’hôtel qui accueillait 100 à 120 événements par mois, s’est retrouvée soudain désertée. L’ensemble de l’hôtellerie mondiale a connu le même revers de fortune que cet établissement lyonnais. Plus de voyages ; partant plus de clients affaires, ni de réunions professionnelles. Et, si les déplacements ont pu reprendre au début de l’été, un retour à la normale n’est pas attendu avant 2022. Dans le meilleur des cas.

“Dis, quand reviendras-tu ? Dis, au moins le sais-tu ?” En cette période de rentrée, traditionnellement chargée en matière de réunions, le futur du segment meetings est encore bien flou. La circulation du virus et les mises en quarantaine vont-elles contraindre les entreprises à limiter au maximum les rencontres professionnelles ? Les sociétés gèleront-elles leur budget événementiel, parmi les premiers à être sabrés en période de crise ? La démonstration urbi et orbi de l’efficacité des solutions de réunions virtuelles pèsera-t-elle sur les habitudes de déplacements ?

Pour Ralph Hollister, analyste du tourisme chez GlobalData, la réponse à toutes ces questions est oui, malheureusement : “Outre le fait que les voyages MICE sont désormais considérés comme une charge financière inutile, les voyageurs d’affaires peuvent être moins enclins à entreprendre les déplacements fréquents, et souvent stressants, qu’ils effectuaient avant la pandémie.” Et l’analyste d’ajouter : “Le danger de contracter le virus, associé au fait que les voyageurs d’affaires peuvent désormais atteindre les mêmes objectifs dans le confort de leur maison, signifie que la demande pour de nombreux événements MICE est susceptible de diminuer.

Diminuer, sans aucun doute. Les hôteliers se sont tous fait une raison sur ce point. Pour autant, est-il permis d’espérer ? L’activité n’est pas totalement au point mort. Spécialiste du secteur avec ses Maisons du séminaire au grand vert et ses établissements urbains City, Châteauform’ a pu le constater. “Au mois de juillet, nous avons reçu l’équivalent de 70 % des demandes de réservation pour les mois à venir en comparaison de celles reçues en juillet 2019, remarque Gérald Coutaudier, directeur général du groupe. Au final, nous pensions rouvrir une vingtaine de maisons avant l’été. Mais, poussée par cette demande, une quarantaine ont repris leur activité.

Dans l’immédiat post-confinement, les sociétés de toutes tailles ont notamment eu besoin de réunir leurs équipes après des mois d’éloignement et de rencontres via Zoom ou Teams. Personne ne s’était préparé à la situation actuelle, souligne Marie Bernheim, responsable de l’expérience en ville chez Châteauform’. Les entreprises ont dû organiser des réunions de sortie de crise pour définir de nouveaux plans stratégiques et redonner à leurs équipes la feuille de route pour la deuxième partie de l’année.”

Cette demande pour des séminaires et comités de direction était essentiellement le fait d’une clientèle de proximité. Quant aux établissements taillés pour des réunions de grande ampleur ou ceux dépendant de la clientèle internationale, le téléphone a sonné un peu moins qu’avant. Une bonne moitié des hôtels haut de gamme parisiens ont d’ailleurs préféré décaler leur réouverture au mois de septembre, en attendant que les salariés retrouvent leurs tours de bureaux et que les déplacements reprennent.

L’aspect sanitaire encadrant aujourd’hui les réunions et séminaires est devenu un critère de choix déterminant pour les organisateurs, aucune entreprise n’ayant envie de voir une de ses réunions se transformer en cluster.

Las… Le virus n’a pas pris de pause et les mesures de quarantaine décidées par certains pays comme le Royaume-Uni ou les mises en garde d’autres vis-à-vis des déplacements en région parisienne sont venues assombrir le ciel de la rentrée. “Même les professionnels de province sont frileux à l’idée de venir travailler à Paris, remarque Fanny Guibouret, directrice générale de l’Hôtel du Louvre, membre de l’Unbound Collection de Hyatt. Pour tous les hôtels parisiens, la situation est morose. Nous avons des demandes pour des événements d’une trentaine de personnes, mais, comme les Parisiens n’ont pas besoin d’hébergement et que les clients étrangers reviennent au compte-gouttes, nous avons moins de résidents qu’avant.

Moins dépendant des flux internationaux, les hôtels des régions françaises semblent mieux tirer leur épingle du jeu. Dans les établissements de Deauville, La Baule ou Dinard, le groupe Barrière constate une évolution dans la nature des événements accueillis. “Alors que les premières manifestations étaient essentiellement des comités de direction de 10 à 30 personnes venant échanger sur la stratégie, nous avons accueilli à la fin du mois d’août des séminaires liés aux forces de ventes, les entreprises ayant besoin de les redynamiser”, explique Carine Le Saux, directrice des ventes France du groupe. Autre constat, le repli sur le Majestic de Cannes d’événements de prestige qui devaient avoir lieu à l’étranger. “Les entreprises ne souhaitent pas prendre le risque de faire partir leurs collaborateurs à l’international et ces événements sont désormais franco-français”, ajoute Carine Le Saux.

À  l’InterContinental Lyon, une certaine montée en puissance est aussi constatée, avec un élargissement progressif à la fois de l’origine géographique et du nombre des participants aux événements. “Après une clientèle de proximité pour des comités de direction, nous avons des demandes pour des réunions de dimension nationale, jusqu’à 100 personnes, pour septembre, explique Madelijn Vervoord. Puis, sur la fin de l’année, ce sont des manifestations de plus de 100 participants qui sont attendues, avec quelquefois des intervenants internationaux. Enfin, nous avons des demandes de réunions de 200 à 250 personnes pour début 2021. Après, nous sommes de toute façon limités. Il y a toujours une distanciation à respecter.

Les fameux gestes barrières… L’aspect sanitaire encadrant aujourd’hui les réunions et séminaires est devenu un critère de choix déterminant, aucune entreprise n’ayant envie de voir une de ses réunions se transformer en cluster. “Les entreprises le comprennent et attendent d’ailleurs que les mesures sanitaires soient bien respectées, ça les rassure. Aucune ne recherche de passe-droit”, remarque Fanny Guibouret, de l’Hôtel du Louvre. Pour Carine Le Saux, du groupe Barrière, “la qualité des mesures sanitaires est une vraie demande du marché. Quand un séminaire nous est confié, ce sont les salariés ou les clients d’une entreprise qui nous sont confiés. Il en va du devoir de protection.

Pour éviter tous risques pour leurs clients comme pour leurs salariés, les groupes hôteliers ont revu l’ensemble de leurs protocoles sanitaires à coup de programmes adaptés aux réunions, par exemple Meet Confidence chez IHG, Hilton Event Ready pour le groupe américain éponyme et All Meet Well chez Accor. Dans les faits, ces nouvelles mesures ont, peu ou prou, une base commune avec du gel hydroalcoolique, un nettoyage accru et des désinfections régulières des zones à fort contact, l’assainissement des salles avant l’accueil des participants et pendant les pauses, une révision de la configuration et de la capacité des salles au regard de la nécessaire distanciation sociale. “Toutes les capacités de nos salons ont été réduites pour assurer un cercle d’un mètre entre chaque participant. Dans nos salles de style boardroom où nous pouvons accueillir seulement une dizaine de personnes, nous proposons des cloisons en plexiglas pour assurer la sécurité sans avoir à limiter le nombre de participants, explique Fanny Guibouret. Quant au masque, il est évidemment de rigueur. “Il pouvait y avoir une certaine tolérance auparavant si la salle pouvait être aérée en ouvrant les fenêtres, poursuit-elle. Il est devenu obligatoire, sauf au moment des repas”.

Du fait de la circulation du virus, de nombreuses choses ont d’ailleurs dû être repensées, en particulier en ce qui concerne la restauration. Si certains hôtels ont remplacé les habituels buffets par des plateaux-repas, d’autres les ont réadaptés comme chez Châteauform’ ou à l’Hôtel du Louvre. “Les portions sont individuelles pour éviter que les participants n’aient à se passer des pinces entre eux. Une fois servis, on leur demande de retourner s’asseoir et de ne pas rester à discuter debout, décrit Fanny Guibouret. Nous avons aussi des plateaux-repas, mais beaucoup de clients trouvaient dommage de ne pas pouvoir choisir. Un buffet, c’est plus convivial et plus dynamique.

Du côté du groupe Barrière, c’est la façon d’accueillir qui a évolué. “Nous avons beaucoup travaillé pour redéfinir le sens de circulation de nos équipes comme de nos clients”, décrit Carine Le Saux. Lors des séminaires, plusieurs points d’accueil sont par exemple proposés pour limiter les flux. “Ce qui demande une phase préparatoire importante pour éviter les regroupements, ajoute-t-elle. D’ici la fin de l’année, nous allons déployer un check-in/check-out dématérialisé pour encore fluidifier le processus.

Sans contact oblige, les participants aux réunions ne trouveront plus crayons, bloc-notes et carafes d’eau à leur disposition dans les Maisons du groupe Châteauform’. Pour contrebalancer cette absence, ils se voient remettre un sac avec tout ce qu’il faut pour la journée ; un carnet de notes, un crayon, un masque. “Et des bonbons aussi, car ils ne peuvent plus se servir librement, précise Marie Bernheim. Nous ne pouvons plus les laisser à leur disposition, puisque les manipulations sont réduites au minimum.

Part importante d’un séminaire, les activités de cohésion d’équipe doivent aussi entrer dans ce nouveau cadre. “Nous proposons par exemple des chasses au trésor digitalisées, avec une seule personne chargée de tenir la tablette, décrit Carine Le Saux. Alors que l’automne et l’hiver arrivent, nous travaillons avec nos partenaires pour construire des offres en intérieur.

Face à l’essor des Zoom, Teams et consorts, la plus grande adaptation à laquelle les acteurs du segment meetings sont aujourd’hui confrontés est la place à offrir à leur concurrent potentiel, la visioconférence.

Mais, alors que les Zoom, Teams et consorts ont réuni pendant des mois les collaborateurs avec succès, la plus grande adaptation à laquelle les acteurs du segment meetings sont aujourd’hui confrontés est la place qu’ils vont devoir offrir à leur concurrent potentiel, la visioconférence. Hybride, “phygital” : l’événement de demain, pour être avec son temps, ne saurait se concevoir sans une part virtuelle.

À travers son offre Studio, l’InterContinental Lyon s’est penché sur le sujet en mettant à disposition sa suite présidentielle pour des petites réunions, jusqu’à dix participants, avec, en prime, toute la technologie nécessaire pour ajouter une partie virtuelle à l’événement. “La suite présidentielle, qui n’est généralement pas accessible pour des groupes, a par exemple été utilisée pour une importante signature de contrat avec dix personnes autour de la table et 60 participants en visioconférence”, décrit Madelijn Vervoord. L’hôtel propose également une offre Comité de direction, intégrant des technologies de pointe telles un système de visioconférence, du streaming et un tableau blanc numérique.

Dans le même ordre d’idée, Châteauform’ a étendu à toutes les salles de ses établissements la possibilité de faire de la visioconférence, et cela en ville comme au grand vert. Pour aller plus loin, le spécialiste des réunions corporate a également développé une offre de streaming avec un partenaire, Stardust Group, afin de pouvoir faire des duplex et connecter des intervenants du monde entier aux entreprises en séminaire. “Cette possibilité existait, mais au cas par cas, sur demande. Maintenant, nous avons une vraie offre packagée pour les visioconférences”, souligne Marie Bernheim.

Poussée aussi bien par l’essor des solutions de réunions virtuelles que par les freins toujours présents aux déplacements, une nouvelle tendance commence à se faire jour avec des séminaires mi-présentiel mi-virtuel et multi-sites. Carine Le Saux entrevoit ainsi des événements “avec des participants qui se trouvent physiquement dans plusieurs de nos hôtels et se retrouvent ensemble à l’occasion de séances plénières virtuelles. Ce mix entre le présentiel et le digital fait que les messages d’une entreprise passent à travers la toile, mais avec les séminaires qui se vivent aussi à l’intérieur de nos espaces de réunions.

C’est une vraie demande, et qui tend à se développer, constate Julien Kauffmann, PDG France de l’agence American Express GBT. On a mis en place pour nos clients un programme avec des réunions hybrides mêlant à la fois des réunions physiques et en visioconférence. Là où avant, une entreprise organisait une grande conférence européenne pour ses clients, aujourd’hui on bâtit des événements qui se tiennent dans cinq ou six lieux avec, à chaque fois, 200 ou 300 participants et un relais en visioconférence.

C’est un fait plus que certain, la visioconférence ressortira parmi les grandes gagnantes de la crise actuelle. Cependant, ces réunions hybrides ont-elles vocation à se pérenniser ou n’est-ce qu’une réponse momentanée à un environnement chamboulé ? “Les curseurs vont bouger d’une manière ou d’une autre, mais le présentiel, les séminaires de cohésion, les formations resteront toujours aussi essentiels, estime Gérald Coutaudier. On ne crée pas une culture d’entreprise en télétravail. Notre conviction est que l’humain ressortira plus fort de cette crise.

- Publicité 4 -