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Le reconfinement aura-t-il un impact sensible sur l’hôtellerie ou, la fréquentation étant déjà au plus bas, sera-t-il au final limité ?

Olivier Petit – Le reconfinement, et surtout les restrictions de déplacement inter-régions et à l’international, notamment hors de l’espace Schengen, vont structurellement limiter les flux de voyageurs, et donc les besoins d’hébergement. Ceci ne peut qu’avoir un impact négatif sur l’hôtellerie qui connait déjà une fréquentation très basse. Dans les coeurs urbains, à part quelques hôtels ouverts pendant l’été et qui, sans faire de miracle, ont globalement sauvé les meubles, tout le monde attendait septembre et le retour de la clientèle business pour rouvrir. Mais la reprise a été molle. Les vols internationaux n’ont pas franchement redémarré, les entreprises limitent les déplacements et la participation aux événements professionnels par nécessité économique et/ou par précaution face à la circulation du virus. Tout ça mis bout à bout, entre un choc de l’offre avec la réouverture de nombreux hôtels, moins de voyageurs individuels et un marché MICE à terre, l’hôtellerie des grandes métropoles vit des moments difficiles.

Dans ce cadre, faut-il s’attendre à une nouvelle vague de fermetures ?

O. P. – Quelques hôtels maintiendront leur activité et capteront le peu de marché encore présent, mais nous devrions voir une accélération des fermetures temporaires, a fortiori dans un contexte où les dispositifs de soutien à l’exploitation sont robustes.

Comment voyez-vous l’évolution à moyen terme ?

O. P. – Le voyage d’affaires sera lourdement impacté pour un bon moment. Soyons un peu optimiste et admettons qu’un vaccin soit trouvé en début d’année prochaine. Le temps que la production suive et que la population soit massivement vaccinée, cela prendra sans doute un an. Cependant, on peut espérer que les personnes les plus sensibles bénéficient en premier lieu de la vaccination. De ce fait, la mortalité serait limitée et la pression sur les hôpitaux pourrait se détendre. Mais, dans le meilleur des cas, cet horizon se situe au second semestre 2021. Je ne vois pas de bons frémissements pour l’hôtellerie en France avant 2022. La coupe du monde de rugby en France en 2023, puis les JO de Paris en 2024 seront ensuite des catalyseurs qui pourraient faire gagner une année sur la reprise de l’activité.

Je ne vois pas de bons frémissements pour l’hôtellerie en France avant 2022.

Les hôteliers pourront-ils tenir jusque là, malgré les mesures de soutien du gouvernement ?

O. P. – Si la crise actuelle dure plus de 24 mois, on sera dans un inconnu complet. Mais j’ose espérer que, si elle s’étale sur une fourchette de 18 à 24 mois, les dispositifs de soutien, qui sont assez spectaculaires, vont permettre au gros de l’hôtellerie française de passer ce cap difficile. Les propriétaires des murs et des fonds peuvent rester à l’abri avec, d’un côté, le soutien de l’état à travers le chômage partiel, les prêts garantis et, de l’autre, l’appui de leurs banques pour décaler le remboursement des investissements. Banques qui devraient se montrer assez conciliante sur l’accord de ces délais de grâce, faute de quoi elles seraient forcées à récupérer l’actif, ce dont elles n’ont certainement pas envie. Là où ça va tanguer beaucoup plus fort, c’est pour tous les autres qui ne sont pas détenteurs de leurs murs.

De quelle manière ?

O. P. – Autant les mesures gouvernementales les protègent sur la partie exploitation, autant un bailleur peut se montrer plus ou moins conciliant sur la question des loyers, et ce pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Le montage financier de l’établissement est un facteur qui va jouer. On voit déjà des difficultés apparaître pour un certain nombre d’hôtels mal montés, avec des niveaux de loyers et d’endettement trop importants. Autre exemple, celui d’AccorInvest (NDLR : ancienne branche immobilière de Accor et propriétaire de plus de 900 hôtels du groupe hôtlier) qui porte un gros volume de fonds de commerce sans disposer des murs. Avec, dans ce cas, un facteur aggravant, celui de détenir des hôtels à l’échelle internationale, dans des pays où les dispositifs de soutien ne sont pas aussi qu’en France, que ce soit au Royaume-Uni, aux Etats-Unis ou en Asie. La solution d’AccorInvest a été d’ouvrir un mandat ad hoc afin d’organiser cette zone de turbulences et de rediscuter de manière sereine avec les banques.

Faut-il s’attendre à la mise en vente de nombreux hôtels en raison de ces difficultés ?

O. P. – Il est compliqué, aujourd’hui, d’apprécier l’incidence que la crise peut avoir sur le marché immobilier hôtelier. Cependant, les observations des précédentes crises, comme celles de 2008 ou de 2015, ne montrent pas, en France, de ventes massives d’actifs en difficulté à prix bradés. L’Etat a toujours mis en place un soutien pour passer ces moments difficiles et les propriétaires ont la plupart choisi de conserver leurs actifs jusqu’au retournement de cycle. D’où un gel du marché des transactions et une stabilité du marché, puisqu’à la reprise, en l’absence de cessions entre temps, les prix de vente sont fondés sur des bases anciennes. En revanche, aux Etats-Unis, à chaque grosse crise, vous voyez de nombreux fonds de private equity utiliser leur cash pour acheter des hôtels à la casse, à -30 % ou -50%. Sur ces marchés là, ça va beaucoup plus remuer.

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