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Une étude qui sort dans un contexte anxiogène

Les dernières interviews ont été réalisées le 20 septembre, avant l’annonce du couvre-feu par le président de la République, donc dans «  un contexte extrêmement compliqué à gérer », souligne Laurent Repelin, Président du GECO FoodService, l’association des industriels du foodservice. D’abord parce que beaucoup de restaurateurs craignaient que l’annonce soit faite d’un reconfinement local ou régional et donc ont bloqué leurs commandes avant de les relancer dare dare, avec toute la désorganisation que cela crée pour la filière amont. Ensuite, parce que fermer les portes à 21 h, c’est se couper d’une bonne partie du chiffre d’affaires. « Certains restaurateurs vont garder le service du midi, certains vont anticiper celui du soir, les autres vont arrêter par manque de rentabilité. Tout la filière est impactée, les restaurateurs, les entreprises de la CHD, les distributeurs, la filière agricole ». Cette crise sans précédent, avec tout ce qu’elle entraîne de soubresauts erratiques, a des impacts sur le consommateur. Il est important de voir lesquels et de comprendre comment il réagit et se projette dans les mois qui viennent. D’où cette étude, « qui est une photographie prise en mouvement, fin septembre », rappelle Frédérique Lehoux, directrice générale. Sans doute différente de celle qui pourrait être faite à la mi-octobre. Mais qui montre quand même trois axes majeurs qui modifient le rapport des convives à la RHD : la peur/anxiété par rapport aux normes d’hygiène et de sécurité sanitaire les inquiétudes économiques (de ceux qui sont ou pensent pouvoir être impactés) ; et  les nouvelles habitudes prises par les consommateurs... « Elles étaient déjà là, en pointillé, mais la Covid les a accélérées » : davantage de repas pris à domicile, de « cuisine à la maison », et de consommation tournée vers les commerces de quartier plus que vers la restauration commerciale (49% vont moins souvent au restaurant).

 

Pessimisme, télétravail, nouveaux modes de consommation

Premier gagnant de la période, c’est le pessimisme. Il grandit et concerne 47% des personnes interrogées en septembre soit une hausse de 4 points par rapport à la vague précédente. Le deuxième, c’est le télétravail, qui concerne, à fin septembre, 30% des actifs (peut-être plus depuis la mise en place du couvre-feu et autres mesures restrictives de la mi-octobre), à raison de 3,2 j/semaine en moyenne. Ces télétravailleurs ont une appétence plus marquée pour la RHD que d’autres, puisque 39% vont au restaurant (vs 33 % pour ceux qui travaillent sur site), 21% font appel à la livraison à domicile, 32 % à la VAE… et le tout pour un budget hebdomadaire consacré à la restauration très supérieur (+ 19%) à celui des personnes travaillant en entreprise.

La fréquentation est en baisse, le budget hebdo aussi

La fréquentation en restauration commerciale est loin d’être celle d’avant COVID. Si, post-confinement, 98% des Français sont retournés dans un restaurant, ils l’ont fait moins fréquemment pour 4 Français sur 10 ; avec un budget plus restreint (50,80 € en moyenne/semaine, contre 57,50 € avant la crise, soit une baisse de 12 %) ; moins dans certains types d’établissement (pizzerias, cafés-restaurants-brasseries et restaurants ethniques) ; moins aussi pour des occasions festives (- 14 points). A noter a contrario la fréquentation à la hausse des personnes qui viennent manger seules dans les établissements (+ 10 points).

Pour les consommateurs, la protection sanitaire est importante : à cause de leurs interrogations à ce sujet, ils sont 52% à avoir peur de sortir au restaurant. Ils craignent une mauvaise désinfection des lieux, un non-respect de la distanciation physique, l’absence de port de masque des autres convives etc. 24 % vont ainsi se renseigner sur les mesures d’hygiène prises par l’établissement avant leur venue, via principalement le bouche à oreille pour 58 % et Internet pour 45%. Ainsi, 38 % des consommateurs passent moins de temps dans les restaurants ; ils y sont particulièrement attentifs à l’hygiène (+60 %), devant les prix (+26 %), l’origine géographique des produits (+27 %) et dans une moindre mesure, le bio (+12 %).
Côté prix, justement, 50 % des clients ont constaté une augmentation de ceux pratiqués en restauration, de 3,20 € en moyenne pour un menu du jour, ce que 43 % d’entre eux trouvent d’ailleurs justifié. Par ailleurs, 60 % d’entre eux ont constaté une baisse du choix disponible, 2 sur 3 aimeraient revenir à la carte d’avant crise.

Même si les vacances d’été ont redonné du souffle aux professionnels car les Français avaient un besoin clair, celui de se faire plaisir et de profiter, les intentions de fréquentation sont à la baisse, la confiance en l’avenir limitée, mais celle dans la restauration intacte… Notamment la restauration indépendante, que les consommateurs sont prêts à soutenir pour le plaisir, la qualité des produits et du contact humain… Pour les chaînes, il s’agit plus d’une question d’habitude et de prix.
En fait, comme le souligne Frédérique Lehoux, il y a de grands fils rouges selon les typologies de restauration : le consommateur attend des restaurants indépendants une cuisine faite maison, des produits d’origine France ; en restauration rapide, un retour vers le fait maison, le local ; dans les boulangeries, une offre restreinte mais de qualité ; dans les bars-cafés, de l’origine France, et en restauration collective des produits locaux.

La livraison à domicile, un outil de fidélisation plus que de recrutement

La livraison à domicile comme la vente à emporter ont beau se développer de plus en plus en restauration (ça c’était avant le couvre-feu, qui barre la route à la vente à emporter le soir, ndlR), toutes typologies de restaurant confondues, leur pénétration évolue peu par rapport à l’avant-crise : la première a baissé de 4 points et la seconde stagné pendant le confinement. Dans l’après-crise, ce sont des outils de fidélisation plus que de recrutement estime la dg du GECO : la livraison ne pèse que 7 % du marché foodservice et ne pourra pas compenser ce qui a été perdu par ailleurs. Commandée à 56 % auprès du restaurant, elle est choisie pour la praticité, pour ne pas avoir à cuisiner, par plaisir. Ce sont peu ou prou les mêmes raisons qui poussent les Français vers la VAE… A noter les deux freins pour ces deux modes de distribution : le prix jugé trop élevé pour 28 % d’entre eux pour la livraison, 20 % pour la VAE ; et l’emballage. Ce critère est jugé important pour un tiers des répondants, dont la moitié estiment la consigne importante.

La restauration collective bousculée elle aussi par la crise

En restauration collective, si 64 %  des parents ont choisi le restaurant scolaire pour leurs enfants, qu’ils sont satisfaits par les mesures d’hygiène qu’ils y ont trouvées (+ 20 % par rapport aux premières vagues), on note quand même que 21 % ne sont pas satisfaits des conditions  sanitaires, que 15 % indiquent que leurs enfants rentrent déjeuner, que 12 % donnent de l’argent à leurs enfants pour s’acheter à manger, que 10 % préfèrent leur fournir un panier-repas. Soit une baisse de la fréquentation de l’ordre de 25 %, en raison de la crise et d’une nouvelle organisation familiale.

Dans le restaurant d’entreprise, sous-segment sinistré, la crise est un accélérateur violent de la désaffection : la baisse de fréquentation est évidente. 14 % seulement le re-fréquentent de nouveau depuis juin, 43 % de ceux qui étaient retournés en restauration d’entreprise depuis juin ont changé leurs habitudes de consommation à midi et 54 % prévoient de le faire. Avec quelles alternatives ? 42 % vont prendre ce repas à l’extérieur, 39 % déjeuner au restaurant, 33 % vont opter pour la gamelle… Un retour à la gamelle qui est couplé à l’envie de cuisiner chez soi et de reprendre la maîtrise de son alimentation dans la pause méridienne.
Quelles sont leurs perceptions des initiatives solidaires : 2 clients sur 5 connaissent les initiatives qui ont été mises en place pour aider la restauration.

En conclusion, on voit émerger des items qu’on pourrait attribuer à ce qu’on pourrait appeler une nouvelle normalité de la consommation en hors domicile, construite autour du télétravail, de l’appétence à cuisiner chez soi, à revenir à du fait-maison, au local, à l’origine, à la transparence, la montée en gamme et qualité en restauration… Avec des points très importants à suivre, la perception des craintes en matière d’hygiène, et également celles liées au contexte économique, deux leviers sur lesquels les professionnels peuvent agir. C’est important alors que  « notre industrie est confrontée simultanément à un consommateur difficile à appréhender et à un marché structurellement mis à mal par toutes les mesures sanitaires » , déclare la directrice générale de l’association. Qui regrette fortement le manque de dialogue avec les pouvoirs publics pour la prise en compte du maillon de la transformation alimentaire. Si « nos entreprises ne sont pas soutenues, on va fragiliser toute la filière ; quand les freins seront levés, on ne bénéficiera peut être plus d’une filière dans son excellence, telle qu’on l’a connue ».

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