On fixait l’horizon dégagé, les îles de Porquerolles et Port-Cros, au loin, la Méditerranée gentiment rafraîchie par le mistral, quand soudain : « Vous ne voulez pas du beurre ? » Sous la pergola chauffée par le soleil, deux employés de l’hôtel Bor dépiautaient patiemment des petits baluchons de beurre : il faut le congeler en attendant la réouverture. « Encore une belle saison à vos côtés », blague le barman, Fabien, quittant les lieux après six jours de travail.

Mercredi 7 avril, après le 15 mars et le 29 octobre 2020, cet hôtel de plage varois a fermé ses portes prématurément pour la troisième fois. En treize mois d’existence, puisque son patron, néophyte de l’hôtellerie, vient seulement de racheter les lieux. David Cozette, 51 ans, carrière faite à la télévision, semble prendre la situation avec beaucoup de détachement.

Mais les départs des derniers clients, puis des employés, lui laissent un goût de sel. « C’est toujours un peu bizarre, dit-il, le regard soudain dans le vague. On est rattrapé par le moment… » Comme la plupart des hôteliers de France, il s’est habitué à saluer ses employés sans certitude pour la suite – il vise une réouverture le jeudi 6 mai, sans croire à la restauration en terrasse avant juin.

« Roi du timing »

Selon les experts du cabinet MKG, le nombre de fermetures d’hôtels devrait être relativement limité au mois d’avril, malgré des niveaux de réservation oscillant entre 5 % et 15 % selon les régions. Les chaînes ont tiré les leçons du premier confinement, lorsqu’elles avaient perdu des parts de marché en fermant leurs portes ; les indépendants, eux, sont suffisamment souples pour satisfaire la faible demande tout en réduisant leurs frais.

Mais sur la Côte d’Azur, dont l’hôtellerie abondante vit des congrès et des loisirs, la sinistrose dure depuis septembre 2020. Seuls 15 % des hôtels niçois étaient ouverts en mars, selon l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) locale. Pour l’hôtel Bor, qui cible des couples aisés en week-end et les déjeuners d’affaires en semaine – la restauration représente la moitié de ses revenus –, rester ouvert ne rimerait à rien.

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Les trois salariés en CDI et la poignée de saisonniers déjà embauchés ont été mis au chômage partiel. Un veilleur de nuit venu de Bretagne logera à l’hôtel, veillera sur les bouteilles de rosé et assurera la maintenance des 20 chambres, dans l’attente de la réouverture. David Cozette et sa femme vont retrouver leur appartement du centre-ville d’Hyères en se consolant avec la vue. (…) Lire la suite sur Le Monde (article payant)