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Billet d’humeur | « Le lifestyle est à l’hôtellerie de luxe ce que le skaï est au cuir »

Chaque mois, LTH ouvre ses colonnes à un professionnel souhaitant livrer son humeur, sa vision. Ce mois-ci, Amar évoque sa saturation quant à la mode du lifestyle. Le lifestyle est à toutes les sauces dans les ouvertures ! Alors, simple épiphénomène ou réel mouvement hôtelier destiné à se propager ?

Lifestyle ou classique ?
Lifestyle ou classique ?

Après les soirées sans « Bee Gees » (free Bee Gees party !) le terme « lifestyle » va-t-il être banni, à son tour ?

Le lifestyle relais de croissance et… de communication !

Pour booster les ventes, depuis une trentaine d’années, on a vu apparaître de nouveaux produits, services ou « têtes de gondoles » : après les feu-business centers (quésaco?) des années 2000 re-devenus souvent des salles « pdj », des boutiques ou de simples mais rentables salons, après les Chefs multi-étoilés désormais supplantés par les chefs-influenceurs, après les architectes et designers véritables stars des années 80/90 (on pense à Philippe Starck, Jacques Garcia, Andrée Putman, Christian Liaigre, Dave Rockwell, Steven Charlton, Jeffrey Goodman, Terence Conran…) confrontés à des collectifs d’architectes locaux et « compatibles RSE », l’hôtellerie est aujourd’hui à la recherche de relais de croissance et surtout, de communication !

Le lifestyle et ses inévitables porte-drapeaux  « in the mood », entre  « yuccies (Young Urban Creatives), muppies (mot-valise composé de millenial et yuppie), makers (nouveaux entrepreneurs) ou bien encore normcores (jean délavé et polaire informe ! – Source Les Echos) ont su capitaliser sur l’appétit hôtelier pour le « tribal « , le disruptif,  véritable appât à influenceur !

Les plages privées nouveaux « show-rooms » des Maisons de Couture

Dans cette logique de recherche à « tout prix » de visibilité, les plages et clubs privés deviennent les terrains de jeux des grandes maisons de couture : Fendi for Puente Romano Beach Resort à Marbella, Missoni aux Maldives, Valentino au Palazzo Avino en Italie, Louis Vuitton à Huangcuo Beach sur l’île de Xiamen, en Chine, Dolce & Gabbana, Gucci, Dior, Jacquemus, ou bien encore Armani sur les plages de Ramatuelle et j’en oublie ! Du « cross-marketing » bien orchestré.

Cette frénésie côtière estivale est relayée, en ville, par l’éruption des rooftops : aujourd’hui, pour être « tendance et lifestyle », un hôtel se doit de proposer un patio-terrasse ou mieux encore, un toit-terrasse !

Les toits-terrasses seront-ils les prochains show-rooms instagrammables, alliance prolifique entre Maisons de Luxe et Hôtels ?

Pour le moment, les toits-terrasses sont majoritairement commercialisés et positionnés  par le secteur de l’eatentertainment (on pense à Paris Society, Beaumarly ou bien encore Moma Group) ou les hôteliers eux-mêmes.

Si les premiers toits-terrasses (entre groupes « clim' » et « cheminées ou sorties de hottes »)  ont permis de « mettre le nez dehors, la tête dans les nuages », leur surabondance actuelle les rend presque banals. L’exception d’hier devient le commun d’aujourd’hui. Certes, certains brillent par des points de vue exceptionnels mais d’autres n’offrent aucun intérêt (surtout pas culinaire !) sinon que celui de rentabiliser un espace jusque là désespérément désert !

Dans beaucoup de cas, le terme « rooftop » synonyme d’évasion et de point de vue remarquable ne recouvre, de facto, qu’une réalité beaucoup plus prosaïque  : un point de vente comme un autre, donnant sur le périphérique ou des toits gris, dont l’intérêt économique dépend des conditions climatiques  au même titre… qu’une terrasse de restaurant !

Mais le lifestyle et ses marqueurs sont-il faits pour perdurer : un mouvement ou un instant ?

Pour certains clients des hôtels de luxe, le lifestyle et l’eatentertainement sont au sérieux ce que le skaï est au cuir !

Le lifestyle n’est pas compatible avec tous les « business ». Il s’inscrit dans une temporalité, offre un moment de simple divertissement, de « changement d’air ou d’état d’esprit ». Dernier avantage et non des moindres du lifestyle : sa visibilité lui permet d’attirer des candidats salariés dépourvus de compétences techniques mais correspondant à la « tribu » lifestyle !

Si les millenials qui ont fait fortune aiment s’affranchir des codes, porter le jean, les tatouages et déambuler en parfait « maker », le business est une chose trop sérieuse pour « dealer » dans des lieux de « fun » !

Et c’est là tout le problème des hôtels « lifestyle » : un plafond de verre existe quant au positionnement client. Là où un Palace classique peut drainer un large segment (clients en quête de Luxe, de services exceptionnels ou bien encore de reconnaissance, entreprises à la recherche de lieux d’événements prestigieux…), un hôtel lifestyle « de luxe » s’avérera clivant et souvent discriminant car construit la plupart du temps sur une logique de « communauté ».

Ne nous leurrons pas, le lifestyle recouvre parfois une autre réalité : optant pour un recrutement de « personnalités » plutôt que de compétences, le comportement et les pratiques professionnelles sont parfois limites ou déficientes.

Il suffit d’aller dans certains restaurants d’hôtels courus de la capitale, où stars en devenirs, mannequins, influenceurs, sportifs de renom ou bien encore célébrités se croisent : vous n’y verrez que rarement des personnalités économiques de premier plan sauf pour un moment festif. Alors, le lifestyle est-il ennemi du sérieux dans les affaires ?

« Pimp » my hotel !

On peut donc légitimement penser que le lifestyle est un segment opportuniste supplémentaire, contraint à un renouvellement permanent. Il n’est certainement  pas un mouvement destiné à se propager si ce n’est dans l’hôtellerie économique qui a rapidement saisi tout l’intérêt qu’il y avait à intégrer ses codes et à « la jouer cool ». Du « tuning » en somme, après « pimp my ride, pimp my hotel  » !